[Générique] L’informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s’opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni au x libertés individuelles ou publiques.
[Aeris] Chaque mercredi, retrouvez-nous dans RdGP, le podcast sérieux qui vous emmène au cœur des enjeux des droits numériques, des libertés individuelles et de la vie privée. Avec un ton accessible, engagé mais bienveillant, nous essayons de démystifier ces risques et ces dangers qui envahissent nos quotidiens.
[Aeris] Et du coup, cette semaine qui y attend comme invité.
[Benjamin] Et bien aujourd'hui nous recevons Mathilde Saliou, journaliste tech depuis dix ans.
[Mathilde] Bonjour, merci pour l'invitation.
[Benjamin] Merci à vous d'être venue, on va commencer par la question d'introduction. Est-ce que vous pourriez vous présenter ?
[Mathilde] Oui, je travaille donc sur des sujets numériques depuis une dizaine d'années, en ce moment principalement pour un média qui s'appelle Next et que beaucoup de gens ont connu sous le nom de Next Impact.
[Mathilde] Nous avons donc perdu le impact.
[Mathilde] Et surtout j'ai écrit un livre qui s'appelle « Le techno-féminisme, comme le numérique aggrave les inégalités » qui est, je crois, beaucoup le sujet de nos conversations du jour.
[Benjamin] Bah oui, parce que j'ai l'impression que c'est votre actualité.
[Benjamin] Et puis il se trouve que c'est un sujet qui nous tient particulièrement à cœur.
[Benjamin] Alors pour commencer, le technoféminisme c'est quoi ? Qu'est-ce que ça veut dire technoféminisme ?
[Mathilde] Ça veut dire plusieurs choses, ça veut dire par exemple faire de la critique du monde du numérique avec le prisme féministe, donc avoir en tête toutes les questions de droits humains mais en particulier de droits des femmes.
[Mathilde] quand on s'intéresse.
[Mathilde] aux effets et aux potentiels problématiques que les technologies peuvent créer pour la société. Ça peut aussi être utiliser les réflexions féministes pour réfléchir à des potentiels solutions, améliorations, évolutions du fonctionnement du monde numérique et de ses effets.
[Mathilde] sur la société au sens large.
[Mathilde] Et puis sinon c'est un très bon titre.
[Benjamin] C'est vrai, c'est vrai. Mais donc, en fait, techno-feministe, c'est à la fois un problème et une solution.
[Mathilde] En fait, en gros, je pense que ce sont des lunettes féministes pour analyser les effets du monde humain sur la société. Donc, ça sert à pointer...
[Mathilde] les problématiques qui existent d'une manière spécifique.
[Mathilde] de manière féministe.
[Mathilde] ça sert aussi à aller chercher des solutions qui ne seront pas forcément vues ou proposées de cette manière-là dans un monde technocratique qui n'utiliserait pas les lunettes féministes.
[Benjamin] Mais alors concrètement, quel type de problématique ?
[Mathilde] Alors concrètement, typiquement...
[Mathilde] exploré depuis très longtemps, et Ayriss le connaît très bien, c'est la question de vie privée, lutte contre la surveillance, etc. Dans les milieux féministes, c'est un sujet qui n'est pas forcément très très bien compris, or à mes yeux de journaliste spécial des Etats numériques, pour moi c'était quelque chose d'urgen.
[Mathilde] depuis très longtemps et je ne savais pas comment tirer le fil et faire de l'explication par exemple sur ces questions là. Et en fait si on va chercher des problématiques de vie privée très concrètes sur le terrain qui touche plus spécifiquement les femmes et les filles, et bien ça devient beaucoup plus simple d'aborder du coup toutes ces questions de vie privée, de lutte contre la surveillance dans le numérique.
[Mathilde] En fait, c'est très probablement parti d'une démarche journalistique assez classique de « je cherchais des cas de terrain ».
[Mathilde] En prenant les lunettes féministes, j'en ai trouvé plein qui me permettaient ensuite d'aller expliquer des problématiques liées au numérique que vous connaissez tous dans vos métiers.
[Aeris] Et surtout je pense que c'est des cas qui effectivement ne sont jamais abordés. Et pour le coup je plaide coupable aussi, puisqu'en ayant organisé par exemple les cafés-vies privées, c'est des sujets qui sont jamais arrivés sur la table quasiment.
[Aeris] On le traitait vraiment sur l'axe hacker, activiste, protection, lanceurs d'alerte, etc. Et on l'a vu récemment avec ce qui s'est passé aux Etats-Unis par exemple, où il a fallu faire attention aux applications de suivi des règles par exemple, où les personnes qui voulaient avoir un enfant avec des applications de suivi, et c'est vrai que c'est un modèle de menace qui n'a jamais été abordé, ou très rarement en fait, avant que des personnes comme vous commencent à s'en saisir et le mettre sur la table.
[Benjamin] Donc c'est quoi ? Ça veut dire que quand on parle de vie privée, de danger de la vie privée et de protection de la vie privée, on a tendance à oublier 50% de la population mondiale ?
[Mathilde] C'est l'impression que j'avais quand je me suis lancée dans l'écriture de Technophimie. Si on cherche, et en cherchant, j'ai trouvé des gens qui avaient pris ce prisme. Donc effectivement, il faut peut-être qu'on donne quelques exemples concrets. Aïris vient de parler de la question du droit à l'avortement qui a reculé aux États-Unis, mais qui n'est d'ailleurs pas accessible partout sur la planète.
[Mathilde] si on s'intéresse aux questions de vie privée en ligne.
[Mathilde] au prisme des personnes qui peuvent avoir recours, avoir envie d'avoir recours à ce droit, on se rend vite compte que par exemple les applications de suivi de règles, ça peut poser problème.
[Mathilde] parce que les données sont revendues à des data brokers, parce que les données sont accédées par des États qui ne veulent pas que les personnes accèdent à l'avortement.
[Mathilde] Ça, c'est un enjeu, mais ça peut aussi expliquer que les recherches en ligne peuvent parfois servir à aller poursuivre des personnes. C'est arrivé aux États-Unis que des jeunes filles soient suivies sur la base de ce qu'elles avaient cherché en ligne, où dans des états où l'avortement n'est désormais plus accessible, on avait dit interdiction de chercher à accéder à telles et telles molécules qui permettent d'avorter.
[Mathilde] et l'historique de recherche a été utilisé entre autres éléments pour...
[Mathilde] pour les poursuivre en justice.
[Benjamin] et donc ces recherches qui sont faites.
[Benjamin] elles donnent lieu à des restrictions de liberté en ligne qui sont spécifiques aux femmes.
[Mathilde] En soit je pense que vous... enfin là les quelques exemples que j'ai montrés c'est des exemples assez classiques d'invasion de la vie privée de personnes. Simplement...
[Mathilde] Puisque si on regarde au début l'industrie du numérique, même si elle a beaucoup mis en avant le fait qu'elle servait à tout le monde et que tout le monde pouvait y participer, elle est quand même assez masculine, elle est aussi assez occidentale.
[Mathilde] elle est plutôt composée en tout cas du côté des concepteurs développeurs de personnes qui viennent de milieux socials plutôt aisés donc...
[Mathilde] C'est pas une représentation très... C'est pas un miroir de la société quoi.
[Mathilde] C'est une industrie qui est construite par un petit groupe social qui fait certes le meilleur travail qu'il pense et qui essaye de fournir des outils utiles, efficaces, etc. Mais en fait, forcément, il a plein de hier parce qu'il n'a pas la même expérience de la vie sociale que tout le reste de la société.
[Mathilde] Donc le plus simple pour expliquer tout ça, c'est de prendre la différence femme-homme, notamment il n'a pas la même expérience que les femmes. Et donc ça lui permet parfois de sortir des outils qui sont présentés comme de superbes innovations, comme Siri en 2010.
[Mathilde] Ciri, il y avait quelques réponses très clichées mais qui font un très bon exemple du problème. C'est si on lui demandait où trouver du Viagra ou trouver des prostituées, il savait donner une réponse. Par contre, si on lui disait « Ciri, où est-ce que je dois aller pour trouver des informations sur comment avorter ? » ou alors « Où aller si j'étais victime de violences sexistes ou sexuelles ? » il n'était pas capable de répondre. Évidemment, c'est extrêmement cliché.
[Mathilde] Un homme ne se résume pas aux questions sur le vieil gré à l'aider prostitué et une femme ne se résume pas aux questions de santé gynécologique et de lutte contre les violences sexistés sexuelles, mais néanmoins...
[Mathilde] C'était très démonstratif du problème, personne des tout premiers concepteurs jusqu'aux équipes marketing n'avait pensé à faire ces tests et les associations féministes ont vite montré le problème.
[Mathilde] Et a priori ça a été corrigé, mais ensuite quelques années plus tard, 2014, même entreprise sort le Hell's kit.
[Mathilde] qui permettait de calculer toutes sortes de choses sur la santé, y compris le nombre de cigarettes que vous fumiez si vous vouliez arrêter, le nombre de pas que vous faisiez si vous voulez juste vérifier votre santé au sens assez classique du terme. Il y avait aussi moyen de suivre, pour le coup, des maladies un peu plus précises. Je crois qu'il y avait des outils utiles pour les personnes qui souffrent de diabète.
[Mathilde] Par contre, il n'y avait pas d'agenda pour suivre les monstruations qui sont pourtant un phénomène qui est vécu par potentiellement la moitié de la population.
[Mathilde] entre ses 15 et ses au moins 45 ans.
[Mathilde] C'est la démonstration d'oubli qui peut.
[Mathilde] paraître pas très grave au concepteur déjà, etc. Mais pour les femmes, c'est évident qu'en fait, il y a un manque un peu basique dans le service qui est fourni.
[Mathilde] Donc déjà, d'un simple point de vue de consommateur, les services fournis étaient moins efficaces souvent, ou juste un peu moins pertinents pour la moitié femme, si je le résume très grossièrement.
[Mathilde] que pour la moitié hommes des potentiels clients.
[Mathilde] Et après, si on croise toutes les questions plus spécifiques de...
[Mathilde] d'attaque sur les droits numériques, prendre ces temps, ça permet de montrer plein d'exemples encore très concrets et donc...
[Mathilde] des problèmes que ça pose.
[Aeris] Mais surtout ça doit être de l'accumulation de toutes ces petites choses parce qu'effectivement une application pour suivre une menstruation par exemple, on va dire oui mais c'est pas grave vous pouvez faire autrement. Mais je suppose bien qu'à force d'en cumuler comme ça des dizaines ou des centaines par jour ça doit effectivement changer complètement la vie.
[Aeris] entre les possibilités d'être homme par rapport à la possibilité d'être femme.
[Mathilde] Un autre truc qui, à mes yeux, est assez évident mais qui ne l'a pas été pour beaucoup, principalement d'hommes, pendant très longtemps, c'est l'état du discours en ligne.
[Mathilde] parce qu'en fait des alertes sur le fait qu'il y avait du cyberharcèlement contre les femmes et les minorités.
[Mathilde] Je parle beaucoup des femmes-hommes parce que je me dis que c'est le truc le plus simple à comprendre. La société se divise plus ou moins en 50-50 et voilà. Mais souvent on tourne en fait sur des problématiques qui sont intersectionnelles.
[Mathilde] Si vous êtes à un endroit de la cartographie sociale où vous subissez plusieurs discriminations, en ligne comme hors ligne, les problématiques vécues vont s'accumuler et vont s'empirer.
[Mathilde] et depuis le début des réseaux sociaux, mais même avant, à l'époque des forums, depuis le début de l'internet.
[Mathilde] il y a des problématiques de versairement, ce n'est pas neuf. De la même manière que ça existe en ligne, ça a été transféré en ligne plus ou moins.
[Mathilde] Sauf que parmi les fabricants des réseaux sociaux, comme le reste de l'industrie, c'est principalement des gens qui ne subissent pas trop ce type de désagrément.
[Mathilde] même s'il y a eu des alertes sur le fait que attention Twitter par exemple peut être retourné contre ses utilisateurs ou utilisatrices.
[Mathilde] pour les faire taire, les ensevelir sous des tonnes et des tonnes de messages.
[Mathilde] ils ont mis 7 ans à sortir leur première fonctionnalité de modération. C'était peut-être juste un bouton signalement, je ne sais même plus ce que c'était exactement, mais 7 ans c'est énorme en termes de...
[Benjamin] Oui, à l'échelle Internet, ça fait assez long.
[Mathilde] à l'échelle d'internet et puis même en termes de signalement à une entreprise. Attention votre produit pose problème à certains de vos utilisateurs.
[Mathilde] C'est le pire service client qui existe sur Terre. Donc voilà.
[Benjamin] Mais heureusement maintenant, tout va bien sur Twitter.
[Mathilde] Tout va bien et tout le monde est parti. C'est super. Ce qui est intéressant d'ailleurs avec ce qu'on a fait Elon Musk et avec certaines de ses actions des derniers mois, c'est que dès qu'il a racheté la plateforme, il a enlevé une énorme partie des gens qui étaient dédiés à la sécurisation, à la sécurisation du discours en ligne, à la protection des utilisatrices et utilisateurs, notamment en enlevant le spam, en enlevant les influenceurs les plus haineux, etc.
[Mathilde] Et là il y a quelques semaines, il a cassé la fonctionnalité bloquée.
[Mathilde] Donc ça ne peut paraître rien, mais la fonctionnalité bloquée, c'est un moyen très efficace.
[Mathilde] notamment pour les femmes qui se font pourrir par des gens, principalement des hommes, qui viennent leur dire des trucs inutiles en dessous de leur message, c'est un très bon moyen de ne plus les voir.
[Mathilde] Elon Musk n'accepte pas qu'on demande un peu de repos dans certains espaces numériques visiblement.
[Benjamin] Donc juste pour reprendre, la fonction de blocage de Twitter, elle permettait à un utilisateur de dire à un autre, enfin de masquer un autre utilisateur dans les deux sens, c'est-à-dire que...
[Benjamin] Moi je ne pouvais plus voir cet utilisateur et lui ne pouvait plus me voir non plus, il ne pouvait plus voir mes contenus.
[Aeris] C'était plus compliqué en tout cas effectivement, il y avait toujours des moyens de le voir, il y avait toujours des moyens d'y accéder au contenu mais effectivement en étant connecté etc. les contenus étaient bloqués. On ne pouvait pas avoir le contenu d'une personne qui nous avait bloqué.
[Benjamin] L'idée de base c'était que je refuse de discuter avec quelqu'un, a priori on n'est pas obligé de discuter avec tout le monde.
[Benjamin] et donc cette fonctionnalité là a été supprimée.
[Benjamin] fait qu'aujourd'hui tous les gens que j'avais bloqués ils peuvent à nouveau voir mon contenu.
[Benjamin] et moi je peux voir leur contenu. Et donc s'ils se mettent à répondre à des tweets que moi j'ai postés, et bien leurs réponses vont apparaître sous mon fil.
[Benjamin] et je vais les voir et je peux plus les masquer.
[Mathilde] Et dans l'hypothèse d'un dialogue relativement constructif, on peut ne pas voir le problème.
[Mathilde] le problème qui est plus vécu par des femmes que par des hommes en ligne.
[Mathilde] c'est qu'on subit beaucoup de dialogues non constructifs.
[Mathilde] pour le dire très poliment. Et donc par exemple, on se prend des remarques qui peuvent assez vite aller sur le physique, qui peuvent assez vite aller sur le dénigrement, qui peuvent dans les pires des cas, et notamment dans les campagnes de cyberharcèlement, aller vers des appels très concrets au viol ou meurtre, à tout ce que vous voulez.
[Mathilde] tenter de se protéger de ça, des fonctions comme la fonction blocage, parce que clairement c'est pas la seule, sont utiles en fait. Ça permet de se fabriquer une petite bulle un peu plus calme dans l'espace numérique.
[Benjamin] On a parlé la semaine dernière des réseaux sociaux suite à...
[Benjamin] Sauf que nous on l'avait pas du tout envisagé sous le prisme sexiste que vous évoquez là.
[Aeris] du coup le numérique aujourd'hui est-ce que ça a été un avantage ou un inconvénient en fait par rapport à ces problèmes aussi et ces combats ?
[Aeris] Parce que le fait d'avoir du numérique permet aussi de s'organiser, de se défendre.
[Aeris] Et au final, au global, c'est plus du positif, c'est plus du négatif.
[Mathilde] C'est l'ambivalence du numérique, ça dépend de quel côté vous vous placez. Il est indéniable que sans le numérique on n'aurait pas eu des grands mouvements d'ampleur international comme MeToo, hashtag MeToo, même avant, hashtag Black Lives Matter, etc. Il est indéniable que grâce à Internet...
[Mathilde] Il y a des connexions qui ont pu être faites notamment à échelle internationale, mais même pas que, qui n'auraient pas pu exister dans cette ampleur et dans ces modalités.
[Mathilde] Il y a plein d'espaces d'Internet qui ont permis de se constituer en communauté aussi, de partager de l'information et du savoir, donc typiquement pour les mouvements féministes.
[Mathilde] pour la vague des années 2010.
[Mathilde] Internet a joué un énorme rôle dans le partage de connaissances de manière très différente de ce qui s'était passé dans les années 70.
[Mathilde] Il y a tout un...
[Mathilde] Il y a énormément d'études qui montrent que les féministes d'aujourd'hui, elles ont plutôt commencé par la théorie, puisque tout était accessible en ligne, et ensuite elles sont venues.
[Mathilde] à l'organisation collective alors que dans les années 70 ça s'est plutôt fait dans sens inverse. Elles se sont d'abord rencontrées, sont d'abord allées manifester etc. et ensuite elles se sont passées le savoir d'une manière ou d'une autre.
[Mathilde] Et clairement cette évolution dans la modalité d'entrée en militantisme, je pense que c'est très clairement lié à Internet et au fait que tous les savoirs sur...
[Mathilde] aussi bien sur leur propre corps, parce que ça, c'est...
[Mathilde] une des grandes thématiques de la vague féministe actuelle.
[Mathilde] sont beaucoup plus facilement accessibles grâce à Internet.
[Mathilde] et j'ai perdu le fil de ma pensée. Donc j'ai dit aussi bien, mais je ne sais pas quelle est l'autre partie de la phrase. Donc je vais le refaire. Il faut que je finisse une phrase quelque part.
[Benjamin] vous disiez que Internet a permis aux mouvements féministes de le faire à contre-courant des années 70, puisqu'il permet d'abord de partager la connaissance et après de se rencontrer et d'organiser des mouvements.
[Mathilde] et je voulais revenir sur l'ambivalence.
[Mathilde] Internet d'un point de vue positif a permis d'avoir accès à plus de savoir, a permis ensuite à énormément de filles et de femmes partout sur la planète de s'organiser en collectif, etc.
[Mathilde] Pour autant...
[Mathilde] sur Internet des pratiques qui n'étaient plus acceptées hors ligne.
[Mathilde] sont restées acceptées en ligne.
[Mathilde] et notamment des pratiques de discours violents et de discours potentiellement punissables par la loi. Les discours de haine, on n'a pas le droit d'appeler à la haine en France, on n'a pas le droit d'appeler à la haine sexiste, raciste, LGBTphobe, tout ce que vous voulez.
[Mathilde] mais il y a pas mal d'espace d'internet.
[Mathilde] sur lesquelles c'était acceptable et accepté. Et le problème, ça n'est pas tant ça, le problème c'est quand...
[Mathilde] Ces espaces ont permis à des gens haineux de se réunir un peu partout sur la planète aussi, de la même manière que les mouvements féministes ou que les clubs de crochet ou que les clubs de fans de voiture.
[Mathilde] Et le problème c'est encore plus quand ces groupes là ont diffusé dans le mainstream, dans la culture générale.
[Mathilde] leurs pratiques violentes, parmi lesquelles celle du tiparassalement.
[Mathilde] qui très concrètement, et ça j'y tiens beaucoup parce qu'ils adorent dire qu'on les censure, très concrètement le cyber-harassement ça censure la personne qui est visée par la campagne de violence.
[Mathilde] Puisque en fait pour se protéger très souvent elle...
[Mathilde] elle s'en va en fait, soit elle se déconnecte, soit carrément elle quitte le réseau social et donc littéralement elle a perdu une plateforme d'exploitation.
[Mathilde] Donc je ne sais pas ce qui est le plus ou le moins. À mon avis, c'est très ambivalent comme très souvent avec le numérique.
[Benjamin] Comme tous les outils en fait.
[Mathilde] Et en même temps, je m'entends dire ça et je me dis genre quoi ? Et en même temps, je crois qu'un des problèmes de l'industrie numérique, c'est qu'elle a souvent promu l'idée qu'elle était neutre, que le produit qu'elle fabriquait et mettait sur le marché et dans l'espace public était neutre.
[Mathilde] Et c'est notamment ce qu'on a trop longtemps cru des plateformes sur lesquelles on échangeait, notamment, et on se réunissait, sur lesquelles on avait des discours publics.
[Mathilde] Sauf qu'en fait là on a des années et des années d'études maintenant qui montrent que les algorithmes de sélection des informations auxquelles on est exposé orientent le discours plutôt d'un côté ou plutôt d'un autre.
[Mathilde] On a des années et des années d'études qui montrent que la recherche de viralité qui dépend à la fois d'une question technique et d'une question de business économique.
[Mathilde] ça oriente aussi le discours plutôt du côté violent que du côté débassera.
[Mathilde] C'est pas comme un marteau qui permettrait soit de construire quelque chose, soit de tuer quelqu'un.
[Mathilde] il y a quand même une orientation de l'industrie du numérique.
[Mathilde] qui n'est pas que lié à la question technique, mais aussi lié à la question économique.
[Mathilde] qui pour l'instant poussent plutôt d'un côté clairement négatif pour la démocratie, je pense.
[Mathilde] Mais ce n'est pas le cas de l'intégralité de l'industrie. Il y a des espaces où ça va plutôt dans l'autre sens.
[Aeris] Mais c'est sûr que c'est compliqué pour les entreprises, parce que c'est quand même les entreprises aujourd'hui qui mènent malheureusement la danse sur la plupart des réseaux et sur Internet. Et les entreprises, effectivement, cherchent la rentabilité, et cherchent le buzz, et cherchent tout ça.
[Benjamin] je cherche le bus parce que c'est le bus qui est rentable.
[Aeris] C'est ça, qu'ils rapportent, qu'ils sont rentables, et forcément c'est pas en racontant des histoires de bisonnours qu'on fait du buzz et qu'on arrive à récupérer de l'argent.
[Benjamin] C'est ce dont on discutait il y a quatre semaines avec Katia Roux d'Amnesty International. Ils ont mené des études sur les algorithmes, en particulier sur TikTok.
[Benjamin] qui montrait effectivement des effets délétères, voire néfastes, voire parfois qui mènent à des conséquences tragiques.
[Benjamin] Et effectivement, au début, quand les réseaux sociaux sont arrivés, on les a pris pour des moyens de communication comme pouvaient l'être avant les SMS, ou les emails, ou même le courrier papier.
[Benjamin] Alors en fait très rapidement on a déchanté parce que...
[Benjamin] le fait de pouvoir utiliser des algorithmes pour rendre visibles des contenus parce que tout d'un coup on s'est tous retrouvé auteur.
[Benjamin] et avec une plateforme et une audience, donc il a bien fallu sélectionner.
[Benjamin] et probablement que ces algorithmes ont eu des effets néfastes et on le constate aujourd'hui.
[Benjamin] Alors à titre personnel, c'est pour ça que nous on fait un podcast, parce que les podcasts c'est quand même un réseau social sur lequel l'algorithmie est encore très très peu présente. Alors c'est un problème parce que on est toujours un peu à galérer comment est-ce que je fais pour découvrir un podcast.
[Benjamin] c'est encore possible d'avoir des débats sereins sur ce médium.
[Benjamin] Il y en a d'autres.
[Benjamin] mais effectivement aujourd'hui on paye un peu cher l'algorithmie surtout quand on est dans des silos fermés.
[Mathilde] Et après l'autre espace, mon grand chantier en ce moment de vulgarisation.
[Mathilde] du tout mon chantier à moi seul. Tout le monde parle d'intelligence artificielle en ce moment.
[Mathilde] Mon grand chantier de vulgarisation, c'est expliquer comment les systèmes algorithmiques se sont répandus un peu partout, donc pas que leur impact sur le discours public en ligne.
[Mathilde] Mais c'est aussi expliquer leurs impacts quand par exemple ils sont déployés par l'administration publique, quand ils sont déployés par des entreprises privées, par exemple nos banques, nos assurances, etc.
[Mathilde] dans les milieux du numérique, c'est pas mal su que ça peut orienter dans un sens ou dans un autre globalement.
[Mathilde] si je fais très très courte, certains systèmes probabilistes vont plutôt avoir tendance à reproduire une image de la société telle qu'elle était en ligne au moment où on a pris les données pour faire de l'entraînement.
[Mathilde] Et du coup...
[Mathilde] ça va reproduire les billets qui existent dans la société. Mais ça, pour les non techniciens, c'est pas encore des sujets...
[Mathilde] su quoi, enfin c'est des sujets sur lesquels il y a encore beaucoup de vulgarisation à faire, beaucoup d'explications.
[Mathilde] quand un Pôle emploi autrichien décide d'utiliser les tchèques GPT pour...
[Mathilde] aider les chercheurs d'emploi à s'orienter, et bien en fait il va bizarrement plutôt orienter les hommes vers des carrières dans le numérique et plutôt orienter des femmes vers des carrières dans le tourisme ou le soin alors qu'à la base ce qu'on a pris pour faire des tests.
[Mathilde] C'est exactement le même CV.
[Mathilde] simplement la différence, les prénoms et peut-être les lieux de formation.
[Mathilde] Là ça permet de lancer des discussions qui sont assez intéressantes.
[Benjamin] Oui mais quelque part en fait l'intelligence artificielle c'est...
[Benjamin] grand-chose d'autre qu'un biais automatisé. On a pris un dataset et puis on l'a entraîné et du coup on a fait un énorme biais. Donc ça permet aussi de mettre en exergue les biais qui étaient peut-être pas visibles parce qu'ils étaient manuels.
[Mathilde] Je suis tout à fait d'accord. Il y a un côté, on regarde cette fichue ambivalence, il y a un côté que je trouve très pratique avec le numérique, c'est qu'il permet de montrer de façon évidente qu'il y a un problème, là où parfois dans la société on va dire c'est bon il n'y a plus de problème, on a tout réglé.
[Mathilde] Donc il y a beaucoup de cas dans lesquels, par exemple, les erreurs de résultats dans Google Search...
[Mathilde] Le fait qu'il y ait des énormes billets racistes atroces qui ressortent avec des personnes noires et des singes mélangés par la machine.
[Mathilde] normalement ça suscite une discussion sur le fait qu'il existe encore beaucoup de racisme dans la société et qu'on a encore du travail à faire pour atteindre une réelle égalité, une réelle considération les uns des autres à égalité.
[Mathilde] Le problème, c'est quand on est sur des systèmes qui sont déployés de manière non transparente.
[Mathilde] et ça devient vraiment un terme utilisé en permanence, la transparence, mais littéralement, quand un système, par exemple, d'allocation d'aide sociale, déploie un système de recherche des erreurs...
[Mathilde] pour en fait s'en servir pour faire de la lutte contre la fraude. Et là, clairement, je fais référence à l'affaire de la CAF, qui est attaquée par le Conseil d'État par 15 associations différentes pour l'usage de ce système.
[Mathilde] Sans le travail de ces associations, les bénéficiaires des aides de la CAF auraient pu subir des contrôles problématiques pendant des années. Et c'est d'ailleurs ce qui s'est passé aux Pays-Bas avec leur scandale sur un système un peu similaire.
[Mathilde] qui a couru de 2013 à 2019.
[Mathilde] C'est énorme, 7 ans de fausses...
[Mathilde] de faux contrôles et de demandes de remboursement de sommes énormes qui ont mis des familles dans la... Alors en anglais ils disent « banque route » et je ne sais jamais quel est le bon terme en français. En faillite, ouais. C'est ça, en faillite personnelle. Vraiment, c'est dramatique, quoi. Parce que dans cette affaire, au Pays-Bas, il y a des enfants qui ont été enlevés de leurs familles au motif que leur famille n'avait plus assez d'argent pour pouvoir les garder en leur sein. Sauf que le fait que ces familles se soient retrouvées en faillite personnelle, c'était à la base à cause...
[Mathilde] d'un problème technique.
[Mathilde] déployés par l'administration. Mais donc derrière, forcément, ça soulève aussi toutes les questions politiques. Pourquoi l'administration a décidé de mettre l'accent sur la lutte contre la fraude plutôt que potentiellement sur aller chercher les personnes qui n'avaient pas accès aux aides, qui n'avaient pas des aides alors qu'elles y avaient droit.
[Mathilde] ça soulève tout de suite de grandes questions de société et c'est ça que je trouve assez passionnant.
[Benjamin] C'est à dire qu'on le voit bien tous les jours, il y a quand même énormément d'effets de mode.
[Benjamin] dans les nouvelles technologies et un technosolutionnisme où on dit ah bah super il y a un nouvel outil alors ça peut être l'IA mais on en voit plein d'autres
[Benjamin] et on va mettre en production des outils parce que c'est à la mode et parce que on en savait.
[Benjamin] on fait miroiter des économies colossales.
[Benjamin] sans en mesurer les conséquences dans la vie des gens. Parce que derrière ça a des conséquences...
[Benjamin] au quotidien pour les gens dont ce que vous évoquez des familles qui ont été détruites à cause de ça.
[Aeris] C'est surtout la vitesse aussi de déploiement, parce que si on prend l'intelligence artificielle, ça n'a même pas deux ans en fait.
[Aeris] Les génératives, ça avait été très peu déployé avant deux ans. Il y a eu effectivement les premiers LLM, etc. qui sont arrivés. Et en deux ans, on est envahis absolument partout. Et je ne crois pas qu'il y ait eu de techno à aller aussi vite que ça. Il y a autant se déployer et à passer très vite d'un état de démonstrateur à un état de production. Il y en a partout.
[Benjamin] Il y a un virage parce que les...
[Benjamin] L'intelligence artificielle et tout ce qu'il y a derrière, ça date des années 60.
[Aeris] J'ai fait ma thèse de fin d'année en 2008, déjà sur l'intelligence artificielle, donc c'est quand même assez vieux.
[Benjamin] on voit que depuis deux ans il y a un virage qui a été pris.
[Benjamin] et que tout le monde avait un peu perdu la raison.
[Mathilde] Mais même si ce qui se passe depuis dedans est un peu étonnant et à la fois fascinant et à la fois bof. En fait il y a des systèmes qui ont été construits notamment grâce aux recherches en intelligence artificielle qui sont déployées depuis plus longtemps et pour lesquelles on n'a aucun retour. Donc typiquement par exemple ce qui est utilisé par les forces de police pour traiter les images de vidéosurveillance.
[Mathilde] Alors tous ceux qui de toute manière luttent contre la surveillance dans l'espace public s'intéressent au sujet depuis très longtemps, mais moi ce qui continue de me fasciner au fil des ans c'est qu'on n'a pas de retour concret sur l'efficacité de ces systèmes. Parce que à la limite pourquoi pas, si ça permet de résoudre plein d'affaires...
[Mathilde] politiquement, je comprends le projet. Mais que ça ne veut pas dire que je suis d'accord avec. Je vois des têtes. Mais ça s'expliquerait. Mais que encore en 2024, parce qu'il y a eu des rapports qui étaient déjà en train de souligner, on manque de...
[Mathilde] On manque de retour sur tous ces projets de surveillance, etc. il y a au moins cinq ans et même probablement avant.
[Mathilde] qu'en 2024 on continue de ne pas avoir de chiffre concret sur...
[Mathilde] qu'est-ce que ça a permis de faire et pour combien d'euros. Je trouve ça complètement dangue.
[Benjamin] Ouais ouais, il faut le dire, on sait pas.
[Mathilde] On ne vérifie pas ce qu'on a fait.
[Aeris] On a quelques pays qui ont déjà eu des rapports là-dessus aux États-Unis, il y en a eu quelques-uns, effectivement ça juste marche pas en fait. Donc on imagine bien que si les trois, quatre pays qui ont fait l'étude montrent que ça marche pas, chez nous il y a...
[Aeris] Peu de chance que ça marche mieux.
[Aeris] Et donc en fait c'est ça et on n'arrive pas, tout est opaque et on n'arrive pas à avoir les informations mais globalement c'est à peu près sûr que ça ne fonctionne pas.
[Benjamin] Mais vous avez une idée vous ? D'après vous pourquoi est-ce qu'on persiste alors dans cette voie si aujourd'hui on n'a aucune étude qui montre que ça marche et plutôt des études qui montrent que ça marche pas d'ailleurs ?
[Mathilde] Il y a beaucoup de gros sous dans l'affaire, je pense. C'est une industrie complète, l'industrie de la surveillance.
[Mathilde] Et sinon je peux ressortir, et vous l'avez déjà cité tout à l'heure, le terme des technosolutionnismes. On est persuadés que...
[Mathilde] Ok on a récupéré trop d'images, comment faire pour les traiter ? Bon bah maintenant on a des super technologies qui vont nous permettre de mieux les traiter donc on va coller justement des algorithmes par dessus pour aider à faire ce traitement.
[Mathilde] Et en fait, on n'a toujours pas de retour sur l'efficacité de tout ce système. C'est assez... Je ne sais pas s'il faut dire UBS ou Kafkaïen, mais...
[Mathilde] Oui, oui, c'est incompréhensible.
[Aeris] Et on a aussi en France le syndrome de... enfin, côté politique, c'est on doit faire quelque chose. Il y a des accidents, enfin du terrorisme ou des choses comme ça qui sont passées en France, et les politiques ne peuvent...
[Aeris] Enfin, le disque, clairement, on ne peut pas ne rien faire.
[Aeris] Donc du coup ils vont mettre des lois, quitte à ce que ce soit ça ne servent à rien, mais en tout cas ils vont dire « nous on a voté cette loi, on essaie de faire des choses » et c'est comme ça aussi qu'il y a beaucoup de technologies qui sont déployées pour rien.
[Mathilde] Oui, et ça doit être aussi assez lié au moment politique qu'on traverse.
[Mathilde] dans le sens où on pourrait répondre de différentes manières quand même au problème de terrorisme, on pourrait aussi mettre l'accent sur de la prévention par exemple.
[Mathilde] mais la version qui est choisie depuis plusieurs années et depuis plusieurs gouvernements successifs...
[Mathilde] et en fait ça va finir par se chiffrer en dizaines d'années cette affaire.
[Mathilde] c'est plutôt d'aller...
[Mathilde] sur la part, à posteriori, la part aussi, les mots m'échappent plus tard, c'est d'aller plutôt sur l'option répressive que l'option préventive. Et l'option répressive, c'est plutôt équiper la police, plutôt que de chercher à déployer des choses qui pourraient toucher les citoyens et permettre de faire de la prévention et éviter la radicalisation.
[Mathilde] Donc à la fin, c'est quand même des choix politiques et des visions politiques très différentes qui guident soit le déploiement de la technologie, soit plutôt à essayer de refaire du lien social au sens très hors ligne du terme.
[Benjamin] Le rien faire n'est pas une option, c'est pas acceptable.
[Aeris] C'est ça, c'est à chaque fois les gens... Parce que en tout cas en France, les grosses gradations en termes de surveillance, etc. ont toujours eu lieu après des attentats ou des accidents violents ou des choses comme ça.
[Aeris] Et du coup les politiques à chaque fois, même la population le demande, c'est aussi le problème dans la surveillance de masse, c'est que la population le demande. Je le sais très bien pour me battre en permanence avec aussi les problèmes de surveillance sur l'espace public etc. les gens ne comprennent pas en fait, ils ont l'impression que dans la voie publique on doit pouvoir être surveillé et les gens du coup le réclament aussi aux politiques.
[Benjamin] Oui parce qu'on en mesure pas toujours toutes les conséquences parce qu'on n'est pas informé dessus.
[Aeris] S'ils sont pas formés et qu'ils réfléchissent pas, en fait, par exemple encore récemment, expliquer à quelqu'un que d'être filmé dans la rue remet en question les libertés de déplacement de religions, d'opinions, de rassemblements, d'associations... Ben voilà, les gens disent mais non, t'es dingue en fait. Bah non, même la CGE, la CEDH le disent. Oui, être filmé dans la rue remet en question votre liberté d'association et votre liberté de déplacement. Et ça, ça échappe complètement aujourd'hui à la plupart des personnes.
[Benjamin] Sur l'impossibilité de ne rien faire pour un politique, moi j'assimile ça au...
[Benjamin] au syndrome du penalty au foot.
[Benjamin] statistiquement en fait la meilleure manière d'arrêter un penalty c'est de pas bouger
[Benjamin] mais si le goal bouge pas, on lui reprochera d'avoir rien fait, alors que s'il saute...
[Benjamin] et qui va du mauvais côté, bon bah au moins il a essayé un truc.
[Aeris] On va même dire qu'il a fait un super saut.
[Benjamin] Voilà, on lui reprochera pas d'être parti du mauvais côté, par contre on lui reprochera de ne pas avoir bougé.
[Benjamin] Et ben c'est exactement pareil en fait, le technosolutionnisme c'est un peu ça aujourd'hui, c'est il y a des technos, elles sont là, il faut qu'on s'en serve.
[Mathilde] Mais en vrai, c'est vraiment bon.
[Mathilde] C'est vraiment poussé quand même par des mastodontes marketing, enfin pas que marketing mais si, cela dit c'est des géants dont beaucoup de business models sont basés sur la publicité. Enfin il faut aussi composer avec l'ampleur qu'ont pris les GAFAM et l'argent qu'ils mettent dans...
[Mathilde] La publicité et le lobbying font tout pour qu'on ait l'impression d'avoir besoin d'eux pour chaque problème qui émerge.
[Mathilde] Et je dis les GAFAM, mais je veux dire beaucoup de géant numérique.
[Aeris] Mais les gens, les entreprises ont aussi tendance à beaucoup suivre les GAFAM pour... On sait pas trop quoi, parce que j'ai même vu des entreprises qui sont pourtant profondément anti-GAFAM et anti tout ça, et sont les premières à sauter à pieds joints dans l'intelligence artificielle, la surveillance à le déployer de partout. Parce que, bah, pareil, un peu comme les politiques, on peut pas ne rien faire, donc bah, on est obligé d'aller sur l'IA parce que si j'en ai pas dans mon produit, je n'arriverai pas à le vendre.
[Benjamin] Ouais, et puis c'est un peu un fear of missing out. On se dit, si j'y vais pas, je vais être dépassé.
[Aeris] Oui, très certainement. Il y a beaucoup de choses comme ça à se mettre en place et du coup tout le monde suit, un peu comme des gros moutons, sans se poser de questions et sans se projeter non plus dans le futur.
[Benjamin] Tout ça n'est pas forcément super réjouissant. Tout à l'heure vous avez évoqué que Internet était quand même fait dans sa grande majorité par des hommes blancs de milieux plutôt aisés.
[Benjamin] Mais pourtant, historiquement, à internet, il y a énormément de technos et de choses qui ont été inventées par des femmes.
[Benjamin] qui sont parfois mises à l'honneur.
[Benjamin] ou en tout cas, passer.
[Benjamin] Vous avez quelques noms à nous citer ?
[Mathilde] C'est quelque nom mais juste avant j'ai aussi une petite explication à faire. C'est un classique de l'histoire en général, ou de la manière dont on raconte le passé.
[Mathilde] que d'invisibiliser les femmes et les minorités.
[Mathilde] Alors peut-être que ça va évoluer et c'est parce que maintenant on est de plus en plus à avoir accès.
[Mathilde] aux positions qui permettent de participer à écrire l'histoire commune. Mais c'est quelque chose qu'on retrouve dans l'art, c'est quelque chose qu'on retrouve dans l'histoire des sciences au sens large. Donc c'est pas spécifique au numérique, néanmoins dans le numérique comme ailleurs. Donc il y a pas mal de femmes qui ont participé.
[Mathilde] à la fois des grands noms, donc en général on cite Adal O'Blaise, personne qui a créé le premier algorithme.
[Mathilde] Edi Lamar qui était actrice et inventeuse et dont certaines des inventions ont permis à terme de créer le wifi.
[Mathilde] Mais il y a aussi des femmes à des postes subalternes que souvent on va qualifier de petites mains, mais en l'occurrence c'était la force de travail principale.
[Mathilde] avant qu'on arrive aux précurseurs des ordinateurs d'aujourd'hui.
[Mathilde] computer, calculateur, calculatrice, c'est un nom d'emploi.
[Mathilde] C'était un emploi très principalement occupé par des femmes.
[Mathilde] notamment parce que ça ressemblait beaucoup, puisqu'il s'agissait de bouger des câbles pour faire faire les calculs, ça ressemblait beaucoup à ce qui avait été fait dans l'industrie de la téléphonie qui était déjà très féminisé.
[Mathilde] Il y a aussi, quand on va regarder du côté du spatial, plein d'équipes de femmes qui ont participé aux travaux qui ont ensuite permis de faire plein d'avancées dans la conquête de l'espace.
[Benjamin] Lego il y a quelques années avait sorti une boîte Women of NASA
[Benjamin] avec trois femmes qui avaient participé à l'envoi d'Hommes sur la Lune.
[Mathilde] Oui, il y a un film, mais là le nom m'échappe tout de suite, il y a eu un film américain sur ces femmes, on pourra le rechercher juste après.
[Mathilde] Mais bref, c'est des initiatives intéressantes, quelque chose comme les jeux de Lego, c'est intéressant dans le sens où ça permet de faire...
[Aeris] les figures de l'ombre.
[Aeris] Je le cherchais aussi.
[Mathilde] Je reprends au début.
[Mathilde] Des initiatives comme le jeu Lego Women of NASA, ça permet de mieux faire connaître ce qui a aussi été présenté comme les figures de l'ombre dans le film qui s'appelle comme ça, qui est sorti il y a quelques années. Ça nous permet de mieux connaître notre histoire spatiale commune.
[Mathilde] Après, déjà ça me fait sourire que ça s'appelle Women of Naza, mais je ne connais pas assez les jeux légaux pour pouvoir comparer. Mais souvent, c'est quand on critique, dans une vue féministe, la manière dont on parle des femmes, notamment dans les médias, il y a beaucoup d'articles qui sont titrés « Une femme devient chef de machin », « Une femme devient présidente de bidule », comme si…
[Mathilde] comme si les femmes n'avaient pas de prénom ni de nom de famille. Et en fait quand on titre sur une femme ou des femmes ça ne facilite pas justement le fait de se souvenir de qui étaient ces personnalités.
[Mathilde] intéressante.
[Mathilde] Et sur Wikipédia il y a des petits rigolets qui ont fait une page spéciale pour une femme qui a fait plein de choses intéressantes dans sa vie.
[Mathilde] Je vous la recommande.
[Mathilde] Mais bref, tout ça pour dire qu'il y a toujours eu des femmes et des...
[Mathilde] et des minorités dans le numérique. Par contre, ce qui s'est passé de manière assez claire, en tout cas dans les pays occidentaux.
[Mathilde] dont la France, dont les États-Unis, dont beaucoup de pays européens, c'est que dans les années 80, au moment où les ordinateurs personnels entrent dans les familles, au moment où l'industrie elle-même se structure, donc déjà dix ans avant, dans les années 70...
[Mathilde] on oriente plus ses activités.
[Mathilde] vers les garçons. On se dit plus quand on commence à faire les cursus pour professionnaliser des gens.
[Mathilde] On se dit, il faut absolument que ces gens soient experts en mathématiques, alors que jusque-là, il y avait des femmes qui venaient de carrière de secrétaire qui arrivaient à être très bonnes programmeuses.
[Mathilde] mécaniquement, elles se sont fait exclure par exemple.
[Mathilde] Quand on se met à vendre des ordinateurs personnels, on fait plein de publicités, j'en ai retrouvé pas mal quand j'écrivais mon livre.
[Mathilde] où on voit papa et son fils en train de pianoter sur le clavier pendant que maman la boniche littéralement fait la potiche sur la photo. Donc même visuellement c'était assez clair que ce produit était proposé d'abord aux hommes et aux garçons.
[Mathilde] Et puis moi qui ai grandi dans les années 90, ça s'est vu jusque dans les jeux puisque littéralement ce qu'on nous proposait en terme de jeux vidéo c'était une Game Boy. La Game Boy était plus pour mon frère que moi a priori.
[Mathilde] Ça visait plus les garçons que les filles.
[Mathilde] et donc la conjonction de toutes ces choses-là.
[Mathilde] fait que depuis 30 ans il y a un déséquilibre qu'on n'arrive pas à résorber.
[Mathilde] dans les forces qui constituent l'industrie du numérique dans les pays occidentaux. Je le reprécise parce que ce n'est pas le cas partout sur la planète.
[Benjamin] C'est à dire que c'est pas le cas partout dans la planète.
[Mathilde] Dans des pays comme les Philippines, certains pays au Moyen-Orient, en Mougolais aussi je crois, on est plus proche de 50-50, voire avec des petites majorités féminines dans les industries numériques.
[Mathilde] pas parce que c'est des matriarchies ni parce que le féminisme a gagné là-bas, mais parce que là-bas on considère que le job d'informaticien c'est un très bon métier de femme.
[Mathilde] Et pourquoi est-ce qu'on considère ça ? Parce que c'est un métier qu'on peut faire de chez soi, qui n'est pas salissant, pas dangereux, pas besoin de sortir dehors, qu'on peut faire entre la boire et le dessert et de la tournée de machine à laver. Donc c'est parfaitement adapté à une femme qui pourrait rester chez elle. C'est très différent de ce qu'on projette sur ce métier en France, en Europe et dans les pays occidentaux, où on a décidé socialement que c'était un bon métier d'homme, parce que c'était un métier pour les geeks, enfin pour revenir sur ce que j'expliquais tout à l'heure.
[Mathilde] que c'était un passe-temps masculin, etc. Mais ça montre bien, d'ailleurs, c'est un très bon exemple.
[Mathilde] du fait que les images qu'on se fait des métiers...
[Mathilde] C'est vraiment des trucs construits socialement et qui peuvent varier du tout au tout selon l'endroit où on se trouve sur la planète.
[Benjamin] En fait c'est exactement ce qu'on avait en Occident dans les années 50-60.
[Mathilde] Oui, plus ou moins. Enfin en tout cas...
[Mathilde] À mon avis, on pourrait tout à fait être capable, dans les deux, quel que soit le pays, d'arriver à un relatif 50-50, le qualificatif de métier d'homme au métier de femme.
[Mathilde] c'est juste des fantasmes qu'on se construit collectivement sur un métier qui a priori...
[Mathilde] n'a aucune notion de genre encodé à la base.
[Aeris] Oui, je pense que le numérique est effectivement un des moins sexistes fonctionnellement parlant sur le sujet. N'importe qui peut en faire. De toute façon, il n'y a pas de compétences à avoir particulières. Il faut juste avoir un attrait.
[Aeris] Effectivement, il faut plutôt aimer les maths qu'autre chose, mais il n'y a pas de... Ou pas, mais...
[Mathilde] Bah ou pas en fait. Exemple, je ne sais plus quel est le nom de l'université.
[Mathilde] j'avais dit Cornell University mais à vérifier. Ils ont décidé il y a quelques années de faire une politique volontariste pour embaucher des jeunes filles dans les cursus qui menaient au métier informatique.
[Mathilde] Et une manière de le faire, c'est pas la seule, ça a été de changer le...
[Mathilde] notamment la description des cours et probablement un peu l'orientation aussi, et tout ce qui était lié aux mathématiques pures qui avaient l'air très abstrait, etc. De le changer un peu pour que ce soit plus ouvertement lié à des questions de communication, relations entre éléments, etc. Ce qui sont aussi des éléments importants dans le numérique.
[Mathilde] Et dès qu'on mettait l'accent sur communication, relation entre les éléments et des choses un peu plus concrètes comme ça, on arrivait à faire attirer plus de femmes. Et depuis plusieurs années, dans cette université, dont il faut vérifier le nom, ils sont à peu près à parité et ça ne bouge plus maintenant qu'on a dépassé le blocage initial.
[Mathilde] Donc mon but n'étant pas de dire il faut peindre en rose l'informatique, mais de dire que la manière dont on le présente est notamment le côté forcément abstrait, forcément lié au maths.
[Mathilde] En fait, ce n'est pas la seule manière d'en parler et c'est probablement pas la seule manière d'entrer dans le domaine.
[Benjamin] C'est à dire que ça permet de répondre à une problématique
[Benjamin] à un déséquilibre qui préexistait.
[Benjamin] faudrait peut-être s'y réussir à corriger ce déséquilibre en amont.
[Aeris] Ça c'est pas gagné quand on voit les scores dans les écoles.
[Aeris] On a encore du boulot !
[Mathilde] C'est pas gagné parce que, encore une fois, c'est pas une problématique spécifique au numérique. Et en fait, typiquement, même si on reste sur l'idée qu'il faut aimer les maths pour faire de l'informatique...
[Mathilde] la société entière dit que les maths c'est plutôt un truc de même quand même.
[Mathilde] ça se voit dans les jeux. Là c'est Noël bientôt. Je suis sûre que dans les trois quarts des magasins, les jeux sont encore répartis plutôt le garçon d'un côté plutôt fille de l'autre et que tous les trucs liés aux sciences, ils vont plutôt être du côté garçon et tous les trucs liés aux vêtements, à la communication, genre les faux téléphones portables et tout ça, ça va être plutôt côté fille. À vérifier là, je vous le dis aux omelettes mais...
[Mathilde] Mais je pense que ça se tient. Dans les films, toutes les personnes qui travaillent dans l'informatique, à part quand ils ont fait cette reprise d'Ocean's Eleven qui était Ocean's 8, où Rihanna était hackeuse, vraiment elles se comptent sur le doigt d'une main les hackeuses, alors que les hackers, les geeks, les informaticiens, les personnages comme ça qui travaillent dans le numérique, il y en a 12 mille dans les séries, dans les films.
[Mathilde] et ce depuis les années 80 au moins.
[Mathilde] et puis même les parents.
[Mathilde] même ceux qui sont persuadés d'éduquer de manière parfaitement neutre, les études continuent de montrer qu'on a tendance, en tant que société, à...
[Mathilde] plus pousser les garçons vers tout ce qui concerne science technique, ingénierie, mécanique, et plus en détourner les filles. Donc les filles entendent plus, t'es sûr que c'est pour toi ? Tu penses pas que les sciences humaines c'est quand même plus adapté ? Et les sciences humaines c'est vachement cool, c'est ce que j'ai fait.
[Mathilde] Juste pour dire que les discours ne sont pas diffusés de la même manière aux petites filles et aux petits garçons, et que du coup on pousse plus les garçons vers ce qui, à la fin, va mener vers la finance ou l'informatique.
[Mathilde] et plus pousser les filles vers ce qui à la fin va mener vers des carrières dans le monde social, ce qui a ensuite d'ailleurs des répercussions sur les salaires des uns et des autres.
[Benjamin] Alors qu'il faut le dire, à priori, quelle que soit la carrière ou le cursus universitaire, c'est pas la carrière.
[Benjamin] si on n'a pas besoin de sortir son sexe dans le cours ou au boulot, a priori...
[Benjamin] un homme comme une femme peuvent y arriver tout aussi bien.
[Mathilde] Oui, oui, c'est ça. Le problème, c'est que j'ai cité quoi ? J'ai cité la culture, j'ai cité les parents. À l'école, c'est pareil.
[Mathilde] à moins que les profs soient formés à toutes ces questions d'égalité.
[Mathilde] ce que certains sont mais ce n'est pas fait de manière mécanique surtout que là même en ce moment parce que je pense que c'est lié à toutes les questions liées à la santé sexuelle et affective c'est encore en train de faire toute une problématique politique là ces jours-ci
[Mathilde] si on refuse de pouvoir discuter de nos relations les uns aux autres en fonction du genre, et donc des potentiels problèmes qu'il y a dans ces relations et du fait qu'on fasse des hiérarchies parfois.
[Mathilde] On ne va jamais pouvoir atteindre l'égalité que j'appelle de mes vues.
[Benjamin] Mais alors oui, justement, concrètement, si on a des enfants, comment est-ce qu'on peut faire pour éduquer ces petits garçons et ces petites filles ?
[Benjamin] pour faire en sorte que le monde de demain, la société de demain, soit plus égalitaire, et en particulier en termes homme-femme.
[Mathilde] Eh bien j'ai des idées mais d'abord je vais dire que ça ne fonctionnera pas tant que les adultes ne se forment pas aussi parce que les petits garçons et les petites filles reproduisent quand même beaucoup de ce qu'ils voient.
[Mathilde] et si on continue de leur montrer des choses inégalitaires, ils vont reproduire les inégalités.
[Mathilde] Néanmoins, ce qu'on peut faire, vu les exemples que j'ai cités jusque là, c'est notamment faire attention à son discours par rapport au loisir qui serait codé comme masculin, le loisir qui serait codé comme féminin, et le fait qu'on est...
[Mathilde] Une petite tendance peut-être à dire à un garçon ou la fait pas ça c'est trop féminin ou à dire une fille t'es sûr que c'est pour toi c'est quand même vachement masculin bah plutôt essayer d'éviter ce type de discours
[Mathilde] Ça peut être du coup pousser plus les filles à aller vers les carrières sciences mathématiques, même si il faut être conscient que outre les parents, ailleurs dans la société, elles vont rencontrer des discours un peu bloquants.
[Benjamin] Oui mais c'est peut-être ça aussi qui est important. Il suffit pas de dire à ses enfants, il faut aussi les préparer. Il faut prendre un coup d'avance. Il faut les préparer à savoir répondre à ce qu'on va leur dire quand, par exemple, une fille va dire moi je veux faire des maths.
[Aeris] De toute façon, c'est un cercle vicieux qui s'est mis en place, qu'il faut voir réussir à casser et que...
[Aeris] l'environnement dans lequel on évolue conditionne aussi beaucoup la manière dont les gens vont se comporter et les parents vont essayer de mettre aussi leurs enfants dans un endroit où ils vont être plus à l'aise.
[Aeris] Donc effectivement peut-être pas mettre leur petite fille dans un lycée technique et professionnel où elle va avoir que des mecs autour d'elle, etc. Donc c'est un engrenage sans fin.
[Mathilde] Mais du coup, côté garçon, il faut aussi leur enseigner déjà le fait de soutenir les filles plutôt que de dire « Ah ce qui est féminin c'est nul », qui est quand même globalement ce qu'on entend dans les cours de récré.
[Mathilde] Enfin, en fait les enfants, on voit très bien les inégalités qui existent dans la société, quoi. Et ça peut être... On enseigne beaucoup plus aux filles, du coup, toutes les compétences liées à la communication, expression des émotions, etc. Et beaucoup moins aux garçons.
[Mathilde] Essayer de mettre l'accent là-dessus, ça permettrait ensuite, notamment puisque les questions de cyber-harcèlement dont on a parlé au tout début, elles sont très prégnantes dans les milieux scolaires quand même.
[Mathilde] Si on apprenait plus l'empathie aux petits garçons, j'ose espérer que du coup, ils seraient moins enclins à participer aux campagnes de diffusion sans considération.
[Mathilde] exemple d'image, un caractère sexuel.
[Mathilde] ou juste à insulter en masse une seule personne et du coup à participer à son cyberharcèlement, ou à son harcèlement tout court d'ailleurs.
[Benjamin] Le cliché c'est un garçon ça pleure pas.
[Mathilde] Oui, ça c'est un cliché problématique à mon avis.
[Mathilde] A priori vous avez des larmes en vous et c'est ok.
[Benjamin] Mais pour parler concrètement, qu'est-ce que nous on peut faire demain ?
[Benjamin] pour que les choses changent. Qu'est-ce qu'on peut faire concrètement ?
[Benjamin] pour faire en sorte que la société évolue.
[Benjamin] radicalement mais pour que ça aille dans le bon sens et qu'on se dise pas bon ben...
[Benjamin] Ça, je verrai plus tard. Je verrai quand je serai confronté au problème. Parce qu'en général, c'est ce qu'on se dit. On dit, j'agirai quand je serai confronté à quelque chose que je juge anormal.
[Mathilde] C'est intéressant ce « je verrai plus tard », c'est en fait le renoncer au « je verrai plus tard ». Et quand on commence un projet...
[Mathilde] ça s'applique au numérique mais en fait ça devrait s'appliquer à tout je pense.
[Mathilde] sous réserve que ce soit applicable, quand on commence un projet, se demander qui est susceptible d'y être confronté, et donc dès le début, chercher l'avis de personnes qui sont susceptibles d'y être confronté.
[Mathilde] Ce qui veut dire typiquement, puisque l'industrie numérique est trop masculine, blanche, classe socialisée, si on se dit que notre service à la fin doit servir à tout le monde, et c'est très souvent vendu comme ça de manière universelle, et bien dans ce cas-là, il faut que dès le début on aille interroger des personnes pauvres, des personnes minorisées, des femmes, des gens LGBT, des gens handicapés, etc. pour voir s'ils n'ont pas des besoins spécifiques qui à terme pourraient servir à tout le monde. Il me semble que les SMS ça a été créé à la base pour...
[Mathilde] pour aider des personnes sourdes et du coup le texte permettait d'envoyer le message. Donc en fait on peut partir, en partant d'un cadre spécifique, on peut créer des services qui servent à tout le monde. Donc potentiellement c'est même intéressant d'un pur point de vue génération d'idées.
[Mathilde] Mais en gros, dès le début, allez voir une diversité d'acteurs.
[Mathilde] pouvoir construire dès le début, by design, quelque chose qui soit inclusif.
[Mathilde] Et après, si je sors un peu du pratico-pratique, ça veut dire en fait rester ouvert et essayer de se former sur les questions d'égalité, de pourquoi ça se reproduit, comment on l'était contre. Ça servira à la fois à améliorer le monde numérique.
[Mathilde] mais ça servira aussi à améliorer le monde au sens large.
[Mathilde] Et sinon, comme vous êtes des experts en numérique, je crois aussi beaucoup à tout le fait qui est de participer à la vulgarisation et à la formation et au partage de connaissances numériques.
[Mathilde] puisque du coup moi quand j'ai commencé à travailler sur techno-féminisme c'était notamment parce que...
[Mathilde] J'étais désespérée de voir que dans les milieux...
[Mathilde] féminin slash féministe où ce serait super important par exemple d'être.
[Mathilde] beaucoup mieux formés aux questions de cyber-sécurité.
[Mathilde] et bien hyper difficile de toucher ces personnes, de les intéresser aux enjeux de sécurité numérique, etc. Parce que pour elles, c'est des choses masculines, geeks, etc. Mais pourtant, si on réfléchit, on a parlé de civilisation au début.
[Mathilde] Si toutes les filles et les femmes savaient mieux se servir des outils numériques, elles pourraient plus facilement gérer tous les paramètres et se protéger en ligne. Tous les cas de violences conjugales qui touchent ultra majoritairement les femmes, dans 9 cas sur 10, il y a un pont numérique à ces affaires-là. Si elles avaient de meilleures connaissances en cybersécurité, elles pourraient mieux se protéger.
[Mathilde] lesquelles il faudrait partager et réussir à aller toucher ces publics qui sont, je le dis tout de suite, potentiellement difficiles à toucher dans certains cas.
[Mathilde] Avec plaisir, merci pour l'invitation.
[Benjamin] Vous avez écouté RdGP, le podcast sérieux qui vous emmène au cœur des enjeux des droits numériques, des libertés individuelles et de la vie privée.
[Benjamin] N'oubliez pas que vous pouvez interagir avec ce podcast qui est hébergé par Castopod, plateforme open source libre et gratuite d'hébergement de podcasts.
[Benjamin] Vous pouvez réagir sur Mastodon, sur le fait divers, en repartageant, likant ou commentant directement cet épisode.
[Mathilde] Vous pouvez réagir sur Mastodon, sur les faits diverses, en repartageant, likant ou commentant directement cet épisode.
[Benjamin] On vous recommande pour l'écouter d'utiliser une application Podcasting 2.0, vous trouverez toute la liste sur NewPodcastApps.com
[Benjamin] Merci encore Mathilde.
[Benjamin] et à très bientôt !
[Aeris] Bonne semaine à tous !
[Benjamin] Bonne semaine !