[Générique] L’informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s’opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques.
[Benjamin] Bonjour, bienvenue sur RdGP, le podcast sérieux qui vous emmène au cœur des enjeux des droits numériques, des libertés individuelles et de la vie privée.
[Aeris] Avec un ton accessible, engagé mais bienveillant, nous essaierons de démystifier ces risques et ces dangers qui envahissent nos quotidiens.
[Benjamin] Aujourd'hui nous avons la chance d'accueillir Caroline Zorn, porte-parole du Parti Pirate.
[Caroline] Bonjour !
[Benjamin] Bonjour Caroline.
[Aeris] Bonjour.
[Caroline] Merci de m'accueillir.
[Benjamin] Merci à vous d'avoir fait tout le chemin depuis Strasbourg pour nous rencontrer.
[Benjamin] et de manière assez traditionnelle, est-ce que je peux vous demander de vous présenter, mais également de nous présenter ce qu'est le Parti Pirate ?
[Caroline] Oui, avec plaisir.
[Caroline] Donc moi Caroline Zorn, je suis ici en tant que porte-parole du Parti Pirate français puisqu'on nous sommes un parti européen et qu'il y a des éléments dans de nombreux pays, une dizaine de pays d'Europe.
[Caroline] Je suis aussi élue à Strasbourg, donc vous venez de le dire, j'ai traversé la France pour venir vous voir.
[Caroline] Je suis élue, je suis conseillère municipale au numérique, à la ville numérique.
[Caroline] et vice-présidente de l'euro métropole de Strasbourg en charge de l'université, de l'enseignement supérieur, recherche, innovation numérique. Et donc je passe une bonne partie de mon temps sur les questions de numérique, d'aménagements numériques du territoire et aussi d'éducation populaire au numérique.
[Caroline] qui me tient très à cœur.
[Benjamin] Et alors le parti pirate, donc c'est un parti européen qui vient de Suède je crois.
[Caroline] Exactement, en 2009, c'était l'époque de Pirate Bay, où il y avait eu cette volonté de vouloir partager le savoir, d'accéder librement à la culture, aux œuvres culturelles.
[Caroline] Et puis il y avait eu une fronde contre les pirates.
[Caroline] en indiquant, qui n'était pas encore pirate d'ailleurs, mais en tout cas une fronde contre les gens qui voulaient accéder librement au savoir. Et il leur avait été dit, mais vous n'êtes que des pirates. Ah oui, ok, qu'à cela ne tienne, on va créer le Parti Pirate.
[Caroline] Et d'ailleurs, c'est une époque qui est
[Caroline] qui est vraiment fondatrice du parti pirate européen et du parti pirate français, puisque beaucoup de pirates se sont intéressés à ces questions en France au moment de la loi Hadopi.
[Caroline] Donc c'est vraiment la bataille pour l'accès à la culture, c'est assez fondateur, mais depuis
[Caroline] Le parti pirate a grandi, a connu plusieurs mutations et donc nous sommes présents à quasiment toutes les élections en France depuis plus d'une dizaine d'années.
[Caroline] avec des positions que je vous invite à aller consulter sur partipirate.org, des positions sur énormément d'éléments de la vie quotidienne, et ça va de la question du logement à la question de la santé.
[Caroline] très préoccupés par la santé mentale, jusqu'aux questions de liberté, puisque c'est ce qui nous anime, donc la liberté de travailler, la liberté de payer, la liberté de vivre et aussi d'être ce que l'on veut être. Donc beaucoup de questions sur l'identité et ça sera l'objet de notre weekend. Donc Parti Pirates, fin avril à Lyon. Voilà, les identités.
[Benjamin] Vous-même, vous étiez candidat l'année dernière pour les européennes ?
[Caroline] C'est vrai, j'étais tête de liste pour le pirate français aux élections européennes.
[Benjamin] Et en deuxième, si ma mémoire ne me trompe pas, il y avait Pierre Beyssac.
[Caroline] Pierre Beyssac. Voilà, Pierre si tu nous écoutes. Tout à fait.
[Aeris] qu'on invitera certainement un jour, j'espère. Du coup, pour revenir à l'actualité de ce qui se passe en France, en particulier en ce moment, avec des mesures sur ce qu'on appelle la loi narcotrafic aujourd'hui en France.
[Aeris] censurer un peu les réseaux, etc.
[Aeris] le Parti Pirate a été très actif.
[Aeris] Déjà même à l'époque, quand vous avez rappelé Hadopi, etc.
[Aeris] français.
[Benjamin] Alors juste avant de vous laisser la parole, la loi narcotrafic, donc c'est contre les narcotrafiquants.
[Benjamin] et donc ça vise à fournir des outils, en particulier aux services de police j'imagine, pour pouvoir intercepter des communications qui permettraient d'arrêter des narcotraffiquants.
[Caroline] Oui, la proposition de loi, à son intitulé, c'est « Sortir la France du piège du narcotrafic ».
[Caroline] C'est déjà assez particulier comme intitulé pour une proposition de loi. Moi de profession je suis avocate plutôt sur les questions numériques.
[Caroline] et je dois dire que des intitulés pareils on n'en a pas vu beaucoup.
[Caroline] Je pense que là on est quand même dans une communication marketing assez flagrante.
[Caroline] Donc oui, c'est la question du narcotrafic.
[Caroline] mais c'est un mouvement qui est assez ancien. On voit ça avec des vagues, des vagues liberticides, puisqu'on va dire le mot et je me ferai un plaisir d'expliquer en quoi pour moi.
[Caroline] pour de nombreux autres ce sont des lois liberticides. Si vous voulez ça a commencé en 2015 avec la loi renseignement.
[Caroline] Je me souviens des commentaires à l'époque qui étaient assez étonnés que le gouvernement… Donc on était sous Hollande, c'était une loi qui était proposée par Bernard Cazeneuve.
[Caroline] Et nous étions assez étonnés que un gouvernement socialiste vienne avec une loi renseignement aussi
[Caroline] dure par rapport à la protection de la vie privée. Mais c'était un phénomène assez clair.
[Caroline] on était dans une vague d'attentats.
[Caroline] Et comme à chaque fois, un attentat, une loi qui va être une loi d'urgence, qui va être une loi pour restreindre les libertés, parce que l'idée c'est de protéger.
[Caroline] Et donc on voit bien que ça fonctionne, cette communication politique, puisque c'est ça. Là on est dans une loi qui est une communication politique.
[Caroline] ça fonctionne pour le narcotrafic, ça fonctionne pour le terrorisme évidemment, ça fonctionne aussi pour la pédopornographie.
[Caroline] Une fois que vous avez ces trois éléments là, finalement
[Caroline] Qui est pour le narcotrafic ? Qui est pour la pédopornographie ? Et je vous le demande, qui aime le terrorisme ?
[Caroline] Donc de fait, vous avez ces trois éléments qui permettent de passer à peu près tout en matière de loi liberticide. Et là, on est effectivement
[Caroline] à un niveau assez inédit. Pourquoi je remontais à 2015 ? C'est que cette proposition de loi, sortir la France du piège du narcotrafic
[Caroline] reprend des éléments de la loi de 2015
[Caroline] la loi renseignement et elle ouvre encore davantage les possibilités d'accéder aux messageries sécurisées.
[Caroline] puisque pour l'instant vous aviez depuis 2015, et puis il y a eu ce qu'on appelle des bouts de loi depuis.
[Caroline] Évidemment que les forces de l'ordre peuvent et ont toujours pu accéder à des communications lorsqu'il était justifié que c'était strictement nécessaire pour les besoins de l'enquête et pour rétablir la vérité.
[Caroline] et il y avait un processus judiciaire. Il y a systématiquement, effectivement, le code de procédure pénale l'établit assez bien, une demande au juge, si vous voulez, pour accéder aux communications. Là
[Caroline] C'est une création d'une back-door.
[Caroline] c'est-à-dire qu'on institutionnalise une faille de sécurité dans les messageries cryptées, et si les messageries ne l'acceptent pas, elles seront soumises à des amendes. Donc on en est au niveau de la proposition de loi qui a été adoptée par le Sénat à l'unanimité.
[Caroline] quand même assez sidérant.
[Caroline] On va voir ce qu'en dit l'Assemblée nationale, mais je ne vous cache pas, ça ne sent pas bon.
[Aeris] C'est surtout que sachant qu'on avait déjà eu au niveau européen un tchat control qui était une législation justement sur la pédopornographie qui avait exactement fait la même chose et ça a été d'un long combat je crois que ça a duré plus de trois ans de négociations pour être rejeté à la fin et encore plutôt de justesse que ça a vraiment été très compliqué et en France on se revoit revenir exactement la même loi par derrière
[Caroline] C'est ça, avec un autre emballage, si vous me permettez l'expression.
[Benjamin] Oui, alors je vous entends, Harris, j'ai l'impression que t'es presque en colère, mais si ces écoutes sont limitées au narcotrafic, à la pédopornographie et au terrorisme, pourquoi est-ce que ça pose un problème ?
[Caroline] Parce qu'a priori on ne peut pas savoir si c'est bien lié à des infractions caractérisées en matière de narcotrafic, de terrorisme ou de pédopornographie.
[Caroline] La réalité c'est que lorsque vous lancez un filet de pêche, vous ne savez pas ce que vous récoltez.
[Caroline] Et c'est complètement assumé. Mais dans les textes de préparation de cette loi, on vous le dit. C'est-à-dire l'intérêt supérieur, c'est de sortir la France du piège du narcotrafic. Pour « Chat control », c'était l'intérêt supérieur et celui de protéger les enfants. Donc évidemment que tout le monde veut ça dans une société civilisée, c'est ce que l'on veut. Mais la manière de faire, d'une part, ne sera pas efficace. On peut vraiment revenir sur les éléments pour lesquels ça ne sera pas efficace.
[Caroline] les mots n'ont plus de sens, pour moi c'est sidérant que l'on accepte collectivement.
[Caroline] que toutes les communications pour « Chat control », on parle quand même de toutes les transmissions d'images et de liens hypertexte des citoyens européens.
[Caroline] pour vérifier s'il n'y a pas des images pédopornographiques.
[Benjamin] Vous pouvez détailler un peu de quoi il retourne.
[Caroline] On commence par lequel ? Chat control. Allez, Chat control. Voilà, donc le plus ancien. Effectivement, ça fait nombreuses années que c'est en débat.
[Caroline] Et puis au mois de juin dernier, on a senti que le texte ne passerait pas.
[Caroline] du fait de réticence de l'Allemagne, pays dans lequel, je le dis, le Parti pirate a fait un travail exceptionnel. Notamment notre ancien député Dreyer a fait vraiment un gros travail pour expliquer en quoi ça ne serait pas efficace techniquement et pour expliquer en quoi c'est une catastrophe au niveau des libertés. Je pense que ça a eu un écho en Allemagne et l'Allemagne a fini par se dire, comme l'Autriche et d'autres pays, la Tchécoslovaquie notamment
[Caroline] que non, cette législation ne serait pas une bonne législation pour l'Europe.
[Caroline] étant donné qu'il aurait fallu avoir l'avis de 15 pays européens, ce qui représente à peu près 65% des européens en proportion, et bien le texte a été retiré, a vraiment été retiré à la dernière minute.
[Caroline] Et donc ce texte, qu'est-ce qu'il prévoit ?
[Caroline] Au départ c'était tous les fichiers audio, vidéo,
[Caroline] photos, textes, liens hypertexte.
[Caroline] Ça a été réduit dans sa dernière version aux photos et au lien hypertexte, il me semble. Je ne crois plus qu'il y avait les audios, mais bon, peu importe.
[Caroline] Et donc l'idée c'est de pouvoir, au moment de la transmission
[Caroline] Vous demandez, est-ce que vous consentez ?
[Caroline] à ce que vos images que vous allez transmettre soient scannées.
[Caroline] Si vous n'acceptez pas, vous ne transmettez pas d'image. Donc vous revenez vraiment à l'époque pire que l'hier, c'est quoi ?
[Caroline] Et si vous acceptez, ces images vont être scannées, mises de côté par votre fournisseur.
[Caroline] en attendant d'être étudié, on ne sait pas vraiment.
[Caroline] qu'est-ce qu'il y a dans la boîte noire. Mais en tout cas, toutes les images qui seront transmises seront scannées.
[Benjamin] Alors transmise par quel biais ?
[Aeris] C'était toutes les messageries qui étaient concernées.
[Benjamin] Messagerie instantanée, e-mail
[Aeris] Bah WhatsApp, même WhatsApp, c'était justement ce qui avait posé beaucoup de problèmes, c'était sur les… Toutes les messageries privées, enfin, Telegram, Instagram
[Caroline] Mmh.
[Caroline] Oui.
[Aeris] les fabricants mettent à disposition les données en clair et accès aux données en clair.
[Benjamin] Donc c'est la fin du chiffrement de bout en bout.
[Aeris] Donc c'était la fin du chiffrement. Alors après, c'était entre guillemets moins pire que ce qu'on a vu avec le narcotrafic derrière, c'est-à-dire que c'était supposé des bases d'empruntes
[Aeris] de pédopornographiques qui étaient gérées par des entités, des associations de défense contre la pédopornographie etc.
[Aeris] qui avait des bases de données avec Europol par exemple qui alimentaient ces bases de données là.
[Aeris] où les images uploadées par les utilisateurs étaient comparées à ces images-là et alertaient si jamais on trouvait un enfant qui était déjà concerné par de la pédopornographie.
[Caroline] Ce qui est assez terrible dans ce raisonnement.
[Caroline] c'est de brandir
[Caroline] un des pires sujets qui soit la pédopornographie.
[Caroline] et d'imaginer que cette solution-là est la seule en réalité pour protéger les enfants.
[Caroline] Mais quand on est dans le milieu judiciaire, quand on parle avec des travailleurs sociaux qui sont au contact de la protection judiciaire de la jeunesse, qui sont au contact de l'aide sociale à l'enfance, et quand on voit les moyens qui sont mis pour aider les enfants qui sont en danger
[Caroline] pour le coup en danger réel, concret et immédiat, parfois en péril imminent.
[Caroline] On est désolé, on est vraiment désolé puisque ce n'est pas scanner les images qui empêchera.
[Caroline] les enfants d'être victimes au moment où sont prises les images.
[Caroline] et de se dire que oui, en effet, on pourra réduire la diffusion des images pédopornographiques, mais c'est pas ça, lutter contre la pédopornographie.
[Caroline] et c'est pas ça en fait que de mettre les enfants à l'abri que d'avoir une vision sur les peines parce que voilà je parle un petit peu d'aménagement des peines mais là encore sont des gens aujourd'hui en France les conseillers de probation et d'assertion pénitentiaire ils ont trois fois plus de dossiers à suivre que ce qu'ils ne devraient donc on s'éloigne un petit peu de la technique mais je pense que ça
[Caroline] il faut aussi poser le fait que c'est pas un problème, une solution technique.
[Caroline] Avant de passer dans ce filet de pêche que l'on lance à la dérive pour collecter toutes les données des citoyens, il faut se demander qu'est-ce qui concrètement est fait sur le terrain. Quand on voit qu'en France on a trois fois moins de moyens pour la justice et la protection de l'enfance que dans d'autres pays européens, c'est peut-être par ça qu'il faudrait commencer.
[Benjamin] Mais est-ce que là c'est pas la raison fondamentale que le technosolutionnisme, ben finalement c'est reporter les coûts de la surveillance sur les GAFAM ou sur les plateformes et que ça coûte rien à l'état ?
[Caroline] Alors je ne pense pas que ça coûtera rien à l'État, puisqu'il n'y aura pas de cadeau qui sera fait dans les coûts techniques qui seront mis en œuvre. Et lorsque vous expliquez à des messageries chiffrées de bout en bout que c'est la fin d'un modèle économique et qu'il va falloir finalement se plier à une réglementation
[Caroline] la dirigeante de Signal l'a déjà dit, c'est comme ça, on ne produit plus en Europe, tout simplement. Et là où il va avoir un coût bien supérieur à ce que l'on imagine, c'est que l'affaiblissement des messageries chiffrées de bout en bout, l'affaiblissement des mesures de protection cryptographiques
[Caroline] va conduire à des cyberattaques.
[Caroline] démontent. Et là les conséquences, quand on parle aujourd'hui des conséquences pour les collectivités territoriales, des attaques et de la faible cybersécurité dont elles peuvent faire preuve, vous avez des villes
[Caroline] Je ne vais pas les citer parce que c'est des collègues et ça leur fait encore mal au cœur, mais c'est des millions d'euros pour rétablir un système et parfois ça met un, deux, trois ans.
[Caroline] Donc ces conséquences-là, ce sont des conséquences d'un manque d'investissement dans la cybersécurité.
[Caroline] Et là, non seulement on a de la peine à investir dans la cybersécurité, mais en plus, on insta en une back-door.
[Caroline] Donc je pense que vraiment les coûts cachés de telles mesures, enfin ce n'est pas des coûts cachés en fait, c'est des coûts qu'on peut parfaitement établir entre personnes de bonne volonté et des techniciens et des personnes de l'art qui sont aptes à chiffrer l'impact de telles mesures, mais on ne leur demande pas. Ce qu'on veut c'est une mesure politique, une loi qui va dire « nous sortons la France du narcotrafic ».
[Caroline] nous protégeons les enfants.
[Caroline] et je pense que ce n'est pas la réalité et que c'est un marketing qui ne fait pas honneur au monde politique actuel.
[Aeris] On va rappeler sur la loi narco-trafique, en France ils envisagent d'avoir des backdoors, des portes dérobées, implémentées directement dans toutes les messageries existantes.
[Aeris] divers et variés et une backdoor ça peut avoir de l'intérêt pour les forces de l'ordre pour essayer justement de rentrer dans les systèmes et avoir accès à des données qu'il n'aurait pas pu avoir accès autrement.
[Aeris] mais le vrai problème que ça pose c'est que ces backdoors là peuvent être utilisés bah
[Aeris] par des personnes malveillantes qui vont pas être des forces de l'ordre, qui du coup vont pas être encadrées par des juges, et ils vont pouvoir utiliser ces backdoors-là, et si ça tombe en trop de mauvaises mains
[Aeris] et bien ça veut dire qu'effectivement vos communications peuvent se retrouver exposées à des entités étrangères.
[Aeris] etc. le vrai danger de ce système en dehors de la problématique purement surveillance.
[Aeris] étatique, c'est aussi ce qu'on va pas pouvoir contrôler, ce que ça peut donner à la fin, d'avoir ce type de pratique. On a vu que toutes les backdoors qui ont été implémentées ou tentées d'être implémentées ont toujours mal fini, et de manière assez violente la plupart du temps, et c'est ce qu'on veut aussi éviter en leur disant, bah ouais la backdoor ça m'étonnerait que ça reste très longtemps dans les mains des flics.
[Aeris] et ça va certainement être revendu au marché noir et on sait pas du tout ce qui en sera fait en pratique.
[Benjamin] Le risque est énorme en fait.
[Aeris] Le risque est énorme et surtout encore une fois pour des justifications politiques qui n'existent pas. Le narcotrafic, tout le monde est à peu près conscient que c'est pas à la fin de télégrammes ou de WhatsApp qui va mettre fin au narcotrafic en France.
[Benjamin] Oui parce que au final quand on a des choses à se reprocher, on se renseigne un peu sur les voies de communication qui sont sur écoute.
[Benjamin] et c'est assez facile d'en trouver d'autres. On se souvient des terroristes qui utilisaient des brouillons de g-mail pour communiquer entre eux et donc ça servait à rien d'intercepter les emails, les emails partaient jamais. Donc au final c'est nous citoyens qui allons être mis sur écoute, mais les narcotraffiquants ça risque de les faire doucement rigoler.
[Aeris] Ah oui, oui, mais de toute façon c'est les jeunes dans la rue aujourd'hui qui sont en train de faire des gateurs dans les cités et ils n'ont pas besoin de WhatsApp pour s'échanger, hein, ils gueulent de s'en mettre à la ronde, ça marche très bien aussi, hein.
[Caroline] et ceux qui sont plus haut dans la chaîne auront complètement les moyens de demander la création d'un outil parfaitement chiffré de bout en bout et ce sera pas un outil grand public donc il y aura encore plus de difficultés à entrer dans le système
[Aeris] Bah la Europol a mis 5 ans je crois à éteindre un
[Aeris] un système alternatif de téléphonie sécurisée.
[Aeris] qui étaient utilisées par les narcotraffiquants, etc. Effectivement, ils ont galéré un peu.
[Aeris] Et eux, vous imaginez bien qu'eux n'auront pas de backdoor dans leur système.
[Caroline] D'ailleurs, je tiens à dire que globalement on a une sorte de crypto war.
[Caroline] parce qu'on imagine que la cryptographie c'est le mal.
[Caroline] et que ce ne sont que des choses utilisées par les narcotrafiquants, par les terroristes, par des gens qui ont des choses à se reprocher.
[Caroline] le chiffrement est un moyen de protéger sa vie privée, que c'est un droit que l'on doit avoir de protéger sa vie privée et qu'il n'y a pas à justifier, que l'on n'a rien à cacher pour avoir le droit de se protéger.
[Caroline] on inverse actuellement les choses et ça c'est vraiment inquiétant.
[Caroline] Mais la Cour européenne des droits de l'homme est à mon sens la dernière
[Caroline] Dernière juridiction qui reconnaît assez clairement que la cryptographie est un droit d'utiliser la cryptographie et dans plusieurs affaires qui ont été rendues, notamment Telegram l'année dernière, on voit bien qu'il y a cette reconnaissance du fait que ça protège la société dans son entièreté.
[Caroline] Donc on ignore au quotidien le nombre de solutions cryptographiques que l'on utilise, mais il y en a énormément, et on est bien contents de les avoir, que ça aide du monde bancaire à ses communications, à ses mails, à ses impôts. Voilà, je prends des exemples parfaitement trivial, mais la cryptographie est partout. Donc de l'isoler d'un certain cas en disant que ce sont des choses qui sont utilisées à de mauvaises fins, je trouve ça parfaitement malhonnête, ouais.
[Aeris] Et puis ce n'est que la transposition du droit secret à la correspondance privée dans le version numérique. Et ça, c'est quand même dans les lois fondamentales de l'Union Européenne depuis 1950, voire encore avant.
[Benjamin] C'est pas parce qu'on met des rideaux à ses fenêtres qu'on a forcément des activités illégales dans sa cuisine.
[Caroline] C'est ça !
[Aeris] Et surtout ce que moi je trouve assez étonnant sur ces lois de chat control, etc. C'est que si on appliquait en fait ce qu'ils demandent en une version
[Aeris] à l'ancienne avec par exemple les par juste l'envoi de carte postale ou de courrier à l'ancienne les gens hurleraient parce que ce qu'ils demandent c'est ni plus ni moins que d'avoir les clés de pouvoir ouvrir n'importe quelle boîte lettre dans la rue
[Aeris] et de pouvoir ouvrir tous les courriers en espérant tomber sur un contenu effectivement illégal. Et je pense que ça ferait à peu près hurler tout le monde de savoir qu'un postier va ouvrir les enveloppes.
[Benjamin] comparaison n'est pas raison je suis pas tout à fait d'accord avec ton analogie parce que parce que c'est déjà le cas en fait avec un pass on peut ouvrir toutes les boîtes aux lettres là c'est là c'est c'est c'est
[Aeris] On n'a pas le droit de le faire.
[Benjamin] Oui mais c'est un peu pareil avec la backdoor, c'est à dire que la backdoor est là mais t'as pas le droit de l'utiliser en dehors de
[Benjamin] de l'ordonnance d'un juge.
[Benjamin] là où c'est pire c'est que les moyens informatiques permettent d'automatiser et de systématiser
[Benjamin] la surveillance, c'est ça, donc il s'agit pas de dire
[Benjamin] Techniquement on pourrait ouvrir toutes les bottes de lettres, une par une, mais on fera pas parce que ça prendra du temps, c'est que là on peut le faire, techniquement, et on va le faire. Quand on parlait tout à l'heure de surveiller les images qu'on upload, c'est 100% des images qu'on upload. C'est pas si on a un doute, on va aller vérifier. L'informatique change le paradigme dans le sens où on peut le faire de manière systématique pour 100% des citoyens.
[Caroline] C'est l'usage qui est fait de l'informatique.
[Caroline] qui changent le paradigme. Et en effet, on n'est plus sur une logique d'enquête.
[Caroline] qui va être un système où il y a un faisceau d'indices, on veut faire émerger la vérité et donc il va avoir une enquête ciblée. Là c'est vraiment la logique de la
[Caroline] du filet de pêche vraiment, pour aller chercher toutes les informations. Et je dois dire que dans les dernières affaires judiciaires qui ont
[Caroline] des questions cryptographiques, des questions de déverrouillage d'écran, en garde à vue. C'était pas dans des affaires de terrorisme. Ah, si, pardon, c'était dans des affaires d'écoterrorisme.
[Aeris] C'est vrai qu'on a tendance à mettre terrorisme pour tout et n'importe quoi maintenant, mais
[Benjamin] Oui, c'est-à-dire qu'on sait que les trois catégories que vous avez citées au début, en fait, ça a tendance à baver assez rapidement.
[Caroline] C'est une sacrée tâche donc, ouais.
[Aeris] Et surtout les politiques tentent de mettre tout et n'importe quoi dedans. Alors pédopornographie c'est un peu plus difficile d'aller étendre ça à outrance, mais terrorisme aujourd'hui, on a vu juste d'utiliser un outil comme Linux, il y en a qui sont retrouvés en garde à vue et accusés de terrorisme.
[Aeris] terrorisme de gauche et écotérrorisme.
[Caroline] Voilà, c'est ça.
[Aeris] en utilisant juste les outils du quotidien.
[Benjamin] Oui, et puis quand on a collé une étiquette, il y a un effet cliquet qui fait que après, les libertés continuent de se restreindre, mais c'est très difficile de revenir en arrière.
[Caroline] Oui, c'est ça. L'effet cliqué est vraiment là. Et je ne vois pas, une fois cette loi sortir du narcotrafic adopté, je ne vois pas comment on va pouvoir revenir en arrière.
[Caroline] On peut toujours espérer qu'au vu de la réalité des problèmes techniques que ça va poser, la mise en œuvre comme à certains nombres de lois n'arrivera jamais.
[Caroline] Mais c'est quand même dramatique de se dire que c'est à peu près le seul espoir qu'on a.
[Caroline] Voilà pour ce
[Caroline] J'arrive même pas à dire pour se protéger, c'est pour faire respecter ses droits fondamentaux en réalité.
[Benjamin] J'avais une autre question, si vous voulez bien.
[Benjamin] sur la vidéo surveillance algorithmique.
[Benjamin] Parce qu'on est un peu dans la même thématique, aujourd'hui il y a un véritable enjeu, la vidéo surveillance algorithmique qui permet de repérer des comportements suspects parmi des foules ou des endroits publics.
[Benjamin] Elle est déjà rentrée dans notre vie à l'occasion des Jeux Olympiques de Paris l'été dernier.
[Benjamin] Quelle est la position du parti pirate ?
[Caroline] La position est une position quasi inaudible actuellement et je vais vous la livrer tout de suite.
[Caroline] c'est que les caméras ne protègent pas.
[Caroline] et il n'est pas établi que la vidéosurveillance dans l'espace public.
[Caroline] et des effets suffisamment bénéfiques.
[Caroline] pour qu'on en accepte les risques liés.
[Caroline] Voilà. Aujourd'hui, lorsqu'on explique, et je suis élue municipale, donc je vois bien la difficulté
[Caroline] d'expliquer à des personnes que leur sentiment d'insécurité pourrait effectivement être résolu par une caméra devant chez eux.
[Caroline] mais que de là à penser qu'il n'y aura plus d'infraction dans le quartier ou d'incevillité par la présence d'une caméra, ça reste à démontrer.
[Caroline] Et souvent on reconnaît que le principal c'est de se sentir en sécurité.
[Caroline] Donc on en est arrivé à un moment où cet outil-là coûte une fortune.
[Caroline] va être mis en place
[Caroline] cadeau offrande à son électorat.
[Caroline] Et c'est comme ça dans de grandes villes de France.
[Caroline] parce qu'il y a un sentiment de sécurité qui est dans l'esprit de chacun lié à la présence de caméras dans l'espace public.
[Caroline] de là à démontrer que ça sert vraiment, de là à démontrer qu'il y a une baisse de la criminalité. C'est pas le sujet.
[Caroline] Ce n'est plus le sujet, la réalité n'est plus le sujet.
[Caroline] lorsque vous avez la Cour des comptes.
[Caroline] rend un rapport en indiquant que les millions d'euros qui sont mis sur la table par les pouvoirs publics pour financer des sociétés privées
[Caroline] pour financer les collectivités territoriales qui vont acheter auprès de sociétés privées des caméras, à court des comptes le dit, rien n'établit que ce calcul est bon.
[Caroline] que c'est un investissement à long terme et qu'on va pouvoir parvenir à l'objectif qui, quand même, serait lui, être censé être celui de la sécurité.
[Caroline] Comme vous avez même la gendarmerie, il y a un rapport de la gendarmerie de l'Isère.
[Caroline] qui établit que finalement la résolution d'infraction sur la base des images de vidéosurveillance est infime.
[Caroline] Quand vous avez tous ces éléments-là
[Caroline] Mais qu'en face de vous, vous avez des personnes qui disent « ouais mais moi je serais quand même vachement rassurée avec une caméra ».
[Aeris] Ils achètent leurs électeurs, au final.
[Benjamin] Pourquoi vous dites que c'est inaudible alors ?
[Caroline] parce qu'il y a une publicité qui est faite
[Caroline] pour cet outil qui paraît immédiat quelque part magique.
[Caroline] une telle publicité qui est faite qu'on n'arrive plus à décoréler dans l'esprit des gens.
[Caroline] la caméra de la sécurité. D'ailleurs on ne parle pas. Alors je sais qu'il y a une différence sémantique entre caméra de vidéo protection et caméra de vidéo surveillance. Moi par principe, j'ai jamais vu une caméra descendre d'un poteau et avec ses petits pieds aller protéger quelqu'un physiquement. Donc pour moi ça reste de la vidéosurveillance.
[Caroline] Quelle qu'elle soit.
[Caroline] Et d'ailleurs encore faut-il qu'il y ait des moyens humains, même si avec la VSA effectivement.
[Caroline] Il y a une automatisation et un perfectionnement qui a fait un bon, mais néanmoins
[Caroline] Si on admet qu'il faut des humains derrière les écrans
[Caroline] sur lesquelles arrivent les images de vidéosurveillance.
[Caroline] Eh bien, le compte n'y est pas !
[Caroline] ou alors on automatise absolument tout et on en arrive à des aberrations comme on a vu à Paris avec des SDF qui sont pris pour des colis abandonnés.
[Caroline] C'est ça qui s'est passé.
[Caroline] Donc je pense vraiment que là où ça fait ses preuves.
[Caroline] C'est dans les manifestations.
[Caroline] Ah bah là on arrive bien à distinguer.
[Caroline] combien il y a eu de gilets jaunes, combien il y a eu de gilets violets blancs, combien de personnes à la peau noire.
[Caroline] Combien de personnes avec des drapeaux pirates ? Allez, on va parler pour la maison !
[Caroline] Donc là ça marche extrêmement bien.
[Caroline] Est-ce que c'est ça aujourd'hui le problème de sécurité principal qui inquiète les riverains ?
[Caroline] Non, c'est pas ça.
[Caroline] On voit, on prend en expérimentation certains quartiers.
[Caroline] la criminalité, la délinquance se déplace. Vous mettez une caméra à un endroit, elle va se déplacer à un autre.
[Caroline] pour autant qu'elle sera éradiquée.
[Caroline] Et ce n'est pas pour autant non plus que c'est des mesures de précaution. La délinquance va par mesure de précaution se déplacer. Mais ce n'est pas parce qu'elle reste en dessous qu'on arrivera de toute manière à l'étoper. Moi qui vois dans les dossiers la manière dont sont traités les images de vidéosurveillance, je peux
[Caroline] Je peux vous dire que bon, ben voilà, des habits noirs en capuche
[Caroline] Ou alors on se dit que c'est parce que les caméras sont pas assez perfectionnées. Ah bah oui, faudrait dépenser encore plus d'argent pour en mettre encore plus perfectionnées.
[Caroline] Où est-ce qu'on s'arrête en réalité ?
[Caroline] Moi je demande vraiment, et au Parti pirate on demande une analyse d'impact.
[Caroline] de cette politique qui a consisté depuis de nombreuses années à acheter à grands frais des mesures de surveillance de l'espace public.
[Caroline] Je veux savoir aujourd'hui quel est le véritable état des lieux.
[Caroline] Et là encore, la communication politique pour moi prend le dessus.
[Benjamin] Et sur les Jeux Olympiques de Paris on a un retour, on s'est
[Benjamin] S'il y a un bénéfice
[Aeris] En tout cas, ça a été acté. Enfin, l'expérimentation de la VSA aux Jeux Olympiques a été entérinée. Ensuite, la CNIL a donné son accord pour continuer les expérimentations qui risquent de durer encore 20 ans comme
[Aeris] comme Vigipirate, etc. Je pense qu'il ne faut pas trop se le cacher. Mais les gens ne voyent surtout pas les inconvénients de ces systèmes-là, en fait, qu'on se retrouve avec des caméras dans tous les coins, que votre vie privée n'existe plus.
[Aeris] Et c'est vrai que c'est facile pour les gens qui
[Aeris] craignent l'insécurité sont souvent des gens cis blancs hétéro valides de 50 ans qui n'ont plus grand chose à perdre avec leur vie.
[Aeris] Et donc on ne voit plus du tout les inconvénients de la vidéosurveillance.
[Aeris] Et malheureusement oui, ils demandent pour leur propre tranquillité, sans se rendre compte des inconvénients énormes pour la société.
[Caroline] Pour conclure sur ce sujet, on ne peut pas me taxer de naïveté.
[Caroline] À Strasbourg, on a eu le cas d'un assaillant d'une attaque terroriste au marché de Noël. On s'en souvient cruellement.
[Caroline] et il a été suivi tout du long par les caméras pour suivre son parcours.
[Caroline] Il n'a pas pu être arrêté en temps réel. Ça ne va pas assez vite.
[Caroline] on n'arrive pas à avoir une réactivité entre les images, leur interprétation et l'envoi sur place des forces de l'ordre, ça ne va pas assez vite. Donc c'était objectivement
[Caroline] Et très bien, mais ça n'a pas été utile au point d'empêcher les décès qui ont eu lieu.
[Caroline] Là encore un autre sujet, pour vous dire que je ne sais pas de la naïveté de ma part, parce qu'on me taxe souvent de naïve.
[Caroline] J'ai fait des assises avec un dossier d'incendie criminel. Un immeuble à Schiltigheim dans la banlieue de Strasbourg est parti complètement en fumée.
[Caroline] Et la personne qui a mis le feu a été filmée, elle a fait des allers-retours dans la résidence, et elle a été filmée par les caméras de la résidence.
[Caroline] On avait 15 témoignages dans le dossier qui décrivaient la personne, qui disaient « oui, oui, c'est untel, on le connaît, il est de temps en temps, il passe là avec sa copine ». Les gens le reconnaissaient, savaient qui c'était.
[Caroline] Mais le premier élément qui ressort dans le dossier au moment de l'instruction sont les images de vidéosurveillance.
[Caroline] parce qu'on a l'idée que ce n'est pas discutable.
[Caroline] C'est la technologie, la technologie ne ment pas. Même si elle ne dit rien.
[Caroline] au moins, elles n'ont pas. Alors que les témoins
[Caroline] ils vont vous dire des choses, mais est-ce qu'ils ne mentent pas ?
[Caroline] Donc on a une fascination technologique qui
[Caroline] qui à mon avis dépasse les bornes.
[Aeris] Et puis moi je suis particulièrement bien placé pour le savoir puisqu'ayant été aux assises pendant le meurtre de mon frère, il est décédé de 13 coups de couteau devant trois caméras.
[Aeris] Et ils ont mis, même après 6 ans après les faits, ils savaient toujours pas lire la vidéosurveillance et de toute façon c'était trop noir, trop flou. Et c'est juste le témoignage du voisin qui a dit juste au dessus, qui a dit « bah non, j'ai tout vu tout ce qui s'est passé, c'est pas les caméras qui ont du tout sauvé quoi que ce soit ». Mais par contre, ils ont demandé à tous les gens de continuer à réclamer de la vidéosurveillance, alors que ça a absolument rien changé dans le quartier et la preuve il est passé devant 3 caméras et ça a sauvé personne.
[Benjamin] On va passer sur un sujet
[Benjamin] Alors, un peu plus gai, tout est relatif. Aujourd'hui, on vit dans une société qui est totalement numérisée.
[Benjamin] Il ne faut quasiment plus rien faire sans ordinateur, sans accès à internet.
[Benjamin] et on parle de plus en plus de fractures numériques.
[Benjamin] Aujourd'hui, j'ai vu parmi vos sujets de prédilection, il y avait la sobriété numérique, l'intégration numérique.
[Benjamin] l'intégration numérique.
[Benjamin] l'inclusion numérique pardon
[Benjamin] et que ça fait partie des
[Benjamin] des combats, on peut parler de combats que vous menez au quotidien, vous pouvez nous en parler un petit peu.
[Caroline] Avec grand plaisir.
[Caroline] Ce terme d'inclusion, moi je suis très dérangée. Alors je l'utilise parce que c'est ce qui est communément admis.
[Caroline] Aujourd'hui on a une politique d'inclusion numérique qui est menée par l'État et notamment par
[Caroline] l'Agence nationale de cohésion des territoires.
[Caroline] qui a été complètement dépouillé dans le dernier budget au passage. Et donc cette inclusion, ce terme me dérange parce que en même temps, on reconnaît qu'il y a une exclusion au préalable.
[Caroline] On reconnaît qu'on a exclu des personnes de l'accès au service public, de l'accès à certaines solutions, à certains usages, parce qu'ils ne le savaient pas faire, parce qu'ils n'avaient pas un équipement dans une dernière version qui permettait d'avoir l'usage dédié.
[Caroline] parce qu'elles ne voulaient pas, donc elles ont été exclues.
[Caroline] on peut se dire, bon, au moins on a réagi.
[Caroline] Mais on a réagi à quel moment ?
[Caroline] Aujourd'hui, on est à un pourcentage de la population. Il y a environ 17 millions de personnes en France qui s'estiment en difficulté avec le numérique.
[Caroline] et une part d'entre eux qui sont complètement larguées. Donc là on est vraiment sur un électronisme.
[Caroline] sont des termes
[Caroline] techniques qui sont utilisées pour mettre des catégories et voir quelle est l'ampleur des dégâts.
[Caroline] Elle se sent vraiment rejetée et parfois, je vais vous dire, même écœurée.
[Caroline] parce que quand les gens arrivent en mairie de quartier ou arrivent devant la préfecture, c'est avec cette idée que
[Caroline] et ben ils sont moins que les autres.
[Caroline] soit ils n'ont pas assez d'argent pour, soit pour avoir un bon ordinateur, un smartphone, tout se fait sur le smartphone maintenant.
[Caroline] soit ils ne savent pas faire, soit ils n'ont pas eu assez de réseau pour être accompagnés, soit ils n'ont pas trouvé. Ils se sentent vraiment mais
[Caroline] Mais j'allais dire mais des sous-citoyens quoi, même pas citoyens.
[Caroline] Et l'idée, c'est de dire si vous, vous êtes aussi nombreux dans cette situation.
[Caroline] C'est que collectivement on a raté un tournant. Et c'est pas vous qui êtes en dessous de tout !
[Caroline] c'est les pouvoirs publics qui ont mis en place des solutions qui n'étaient pas adaptées à tous les publics.
[Caroline] et on a agi avec l'état plateforme.
[Caroline] comme un pourvoyeur d'offres commerciales.
[Caroline] fut un temps où tout était du logiciel propriétaire, avec des solutions qui étaient marketées et qui étaient mises à disposition des pouvoirs publics, des collectivités territoriales.
[Caroline] et les gens, vus comme des consommateurs, consommatrices,
[Caroline] devaient s'accommoder des offres qu'on leur proposait.
[Caroline] Eh bien en fait non, on ne peut pas fonctionner comme ça. On n'aurait jamais dû fonctionner comme ça.
[Caroline] Et même si quelqu'un qui est à l'aise avec le numérique, et moi j'adore prendre mes rendez-vous la nuit sur des plateformes, et parce que voilà, ça me plaît de fonctionner comme ça.
[Caroline] J'ai toujours ce tilt dans ma tête.
[Caroline] Comment font les gens qui n'ont pas un smartphone qui fonctionne bien, un ordinateur qui est connecté ? Et en fait, je sais très bien comment ils font. Ils ne font pas !
[Caroline] Ils ne font pas. Et on a vu il y a quelques mois, années, peut-être maintenant, des manifestations.
[Caroline] de retraités devant la préfecture de police de Paris.
[Caroline] qui étaient à bout parce qu'ils n'arrivaient pas à avoir leur pension de retraite.
[Caroline] c'était des travailleurs étrangers qui devaient faire des manipulations sur un service en ligne qui était impossible à faire et donc ils se sont fait représenter par des avocats pour essayer d'accéder à leurs droits et ils étaient privés de leurs droits, privés de leur insurance sociale.
[Caroline] Quand vous allez devant les préfectures, en quelques années, il y a eu une file mais qui s'est allongée de manière incroyable. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, pour demander une autorisation d'être sur le territoire, quelle que soit la nature du document que vous demandez
[Caroline] Mais il faut prendre un rendez-vous en ligne.
[Caroline] Et pour avoir le créneau demandé, il faut prendre un prêt rendez-vous.
[Caroline] Il faut vous connecter.
[Caroline] un jour dans la semaine entre telle heure et telle heure. Et s'il y a plus de créneaux, c'est tant pis, vous venez le mois d'après. Ou la semaine d'après, je sais plus.
[Caroline] Donc on est dans des systèmes qui sont absolument aberrants.
[Caroline] Et c'est une machine à créer des sans-papiers, déjà d'une part, si on ne parle que de ce point de vue qui passionne la nation. Oui, aujourd'hui, le système en ligne prévu par l'État pour avoir une autorisation de séjourner sur le territoire, c'est une machine à sans-papiers.
[Caroline] Et d'autre part, vous avez des personnes qui
[Caroline] qui, pour accéder à… Je ne parle pas à Strasbourg, on fait beaucoup d'efforts et je vous remercie de parler du droit à l'intégrité numérique.
[Caroline] Mais il y a aujourd'hui des gens qui n'arrivent pas à accéder au système de cantine en ligne, qui n'arrivent pas à accéder à… Enfin même les impôts aujourd'hui complètement dématérialisés. Et quel que soit l'âge. Moi je m'occupe aussi de la vie étudiante à Strasbourg, je peux vous dire qu'il y a des tas d'étudiants.
[Caroline] c'est pas parce qu'ils sont natifs et qu'ils ont toujours un smartphone dans la main qu'ils arrivent à remplir un formulaire administratif.
[Caroline] Il y a aussi de ce point de vue là, quels que soient les âges.
[Caroline] Quelles que soient les classes sociales, on a un vrai problème avec cette numérisation de tous les services de l'État et des collectivités.
[Aeris] Ça rejoint un peu le concept d'informatique fatale que Benjamin Bayard avait pas mal explicité. En fait, qu'aujourd'hui, quand vous étiez dans l'ancien monde, vous alliez voir le préposé à l'administration. Et vous étiez effectivement, comme il dit
[Aeris] ça se voit que vous étiez ni vert ni rouge, que vous étiez bleu, et bien le préposé allait faire en sorte qu'on fasse rentrer la case bleue quelque part. Et aujourd'hui, c'est pas possible, l'informatique c'est soit rouge soit vert, et bah bleu ça existe plus. Et du coup vous êtes toujours dans des cas bizarres qui rentrent pas dans le modèle, et du coup vous avez pas accès au service, aux prestations sociales, à l'assistance sociale, ou à quoi que ce soit, vous êtes rejeté du système parce que vous ne correspondez plus au modèle qui a été fait de vous.
[Caroline] Et là c'est la dégringolade.
[Benjamin] Le code c'est la loi.
[Aeris] C'est ça.
[Benjamin] Et qu'est-ce qu'il aurait fallu faire alors ? À quel moment on s'est loupé ?
[Caroline] Moi je pense que c'était au moment où on a décidé que l'état-platforme était la solution à tous nos problèmes. Mais après je veux pas être fataliste parce que
[Caroline] Il y a une réaction, et notamment avec le travail de l'ANCT qui font vraiment un gros boulot.
[Caroline] mais ils n'ont pas assez de moyens. Donc il y a eu la création des conseillers numériques.
[Caroline] pardon, l'Agence nationale de cohétion des territoires.
[Caroline] et qui s'occupe vraiment de cette politique de cohésion et d'inclusion numérique.
[Caroline] Il y a vraiment des gens exceptionnels qui l'apportent avec beaucoup de volonté, mais ils ne peuvent pas faire des miracles non plus, dans la mesure où par exemple, les conseiller numériques.
[Caroline] C'est bien en fait de permettre aux collectivités d'embaucher des conseillers numériques pendant trois ans.
[Caroline] Et donc ça s'est décidé il y a deux ans.
[Caroline] l'expérimentation sur trois ans devait se poursuivre et puis là avec le budget ça s'est arrêté. Donc on devait avoir 4000 conseillers numériques en France.
[Caroline] ce qui n'était déjà pas énorme, mais bon c'était les chiffres sur lesquels s'était engagé à l'époque Jean-Noël Barreau.
[Caroline] lorsqu'il était sur ce portefeuille.
[Caroline] Et puis aujourd'hui, on n'est pas sûr de pouvoir en garder 2000.
[Caroline] Et si dans les espaces France Service, vous n'avez pas de conseiller numérique ?
[Caroline] On va mettre qui dans ces maisons France Service ?
[Caroline] Vous savez, les gens arrivent avec un sac en plastique Lidl au champ.
[Caroline] dans lequel il y a tous les papiers à l'intérieur en disant « je m'en sors pas, je sais pas faire, je sais plus, je perds les pédales ».
[Caroline] des conseillers numériques qui, lorsqu'ils ont le droit d'accompagner aussi de manière sociale les personnes, avec un label un peu particulier, ils peuvent s'en occuper, mais vous avez des conseillers France Service qui n'avaient pas le droit de s'occuper de toute la partie sociale et qui étaient juste là pour apprendre à utiliser l'outil. Donc on va… Tout est découpé comme ça, et on n'arrive pas à prendre les gens en charge de manière globale parce qu'on n'a pas assez investi là-dessus.
[Caroline] Et de ce point de vue, je ne suis pas très optimiste, mais pas fataliste.
[Caroline] ce que je propose moi comme d'autres.
[Caroline] c'est que l'on adopte partout dans nos collectivités. Et je parle des collectivités parce que c'est l'échelon dans lequel les gens peuvent encore croire.
[Caroline] On va dans sa mairie, on connaît son quartier, on connaît son territoire.
[Caroline] Pour peu qu'on connaisse aussi ces élus, on
[Caroline] Vous savez nous les élus, on est à portée de baffes, on est aussi à portée de clics, je vous le dis.
[Caroline] Mais voilà, l'échelon territorial, je pense, local est le bon.
[Caroline] c'est de faire prévaloir le droit à l'intégrité numérique dans toute nos collectivités.
[Caroline] Ce que ça veut dire, c'est que ce ne sont pas les gens qui sont des sous-citoyens qui viennent s'excuser parce qu'ils ne savent pas utiliser un de nos téléservices.
[Caroline] ils viennent parce que soit ils ont décidé de ne pas l'utiliser, soit ils ne savent pas le faire, soit ils ne peuvent pas le faire. Et peu importe.
[Caroline] Nous devons pouvoir !
[Caroline] Nous devons permettre à ces personnes d'accéder
[Caroline] au service public, en ligne ou hors ligne.
[Caroline] Vous avez droit à une vie hors ligne. C'est pas que de la déconnexion, c'est pas que j'ai le droit de me déconnecter. C'est que j'ai le droit en fait d'avoir ma vie sans
[Caroline] identités numériques créées à des fins particulières parce que ça arrange l'état ou la collectivité ou qu'on a décidé que c'était mieux comme ça.
[Caroline] Donc c'est vraiment ce droit-là qui
[Caroline] qui est d'ailleurs inscrit dans certaines constitutions en Suisse.
[Caroline] c'est récent mais là encore c'est quelque chose qu'on doit au parti pirate suisse.
[Caroline] et à son ancien président Alexis Roussel qui a d'ailleurs écrit un ouvrage sur le droit à l'intégrité numérique.
[Caroline] un plaidoyer humaniste.
[Caroline] Et donc ça a pris forme à Genève, à plusieurs cantons. Et donc en Allemagne aussi s'y intéresse beaucoup. Moi je l'ai porté à Strasbourg et je vais aller le présenter à Rennes dans quelques jours.
[Caroline] c'est une manière, en fait, c'est un changement de paradigme. C'est une manière de voir différemment. C'est pas de l'inclusion en fait qu'on fait, c'est pas récupérer les gens qu'on a exclus en leur disant on va vous aider avec un conseiller ou on va vous faire un système dérogatoire, quelque part une faveur pour que vous puissiez avoir accès à vos droits. Non, c'est de dire
[Caroline] Vous êtes citoyen à part entière, vous n'avez pas à vous excuser.
[Caroline] et vous avez le droit, pour des raisons qui vous appartiennent, de ne pas avoir cet avatar en ligne permanent qui est censé vous permettre d'accéder au service public.
[Caroline] C'est aussi une forme de dignité, vraiment.
[Benjamin] Je crois aussi que le parti pirate défend un Internet libre et décentralisé.
[Benjamin] et donc pas trop partisans de ce qu'on appelle les GAFAM.
[Benjamin] On discutait il y a quelques semaines de ça avec Philippe Latombe du Health Data Hub.
[Benjamin] Ce qui, il y a pas très longtemps encore, paraissait être un délire paranoïaque
[Benjamin] Vous ne voyez pas trop où était le problème. Aujourd'hui
[Benjamin] À la lumière des récentes élections outre-Atlantique, les questions se reposent et remontent à la surface.
[Benjamin] Aujourd'hui est-ce que le
[Benjamin] en tant que porte-parole du parti pirate, vous êtes engagé sur ces problématiques là et je pense donc en particulier aux Health Data Hub
[Benjamin] qui pour rappel, c'est toutes nos données de santé hébergées chez Microsoft.
[Caroline] C'est ça, absolument.
[Caroline] Alors, j'aime beaucoup Philippe Latombe, il fait un bon travail. Mais je dois la vérité de reconnaître que effectivement, ce sujet du Health Data Hub est un sujet qui
[Caroline] qui moi m'anime depuis longtemps parce que j'ai fait ma thèse sur le partage des données de santé.
[Caroline] et que cette configuration qu'on voyait venir de loin.
[Caroline] cette manière de dire il n'y a que Microsoft qui peut répondre à nos besoins.
[Caroline] vu le gigantisme de cette base de données.
[Caroline] et de pousser la CNIL à reconnaître que, ben oui, on ne peut pas faire autrement, parce qu'apparemment, il n'y avait pas d'autres moyens techniques.
[Caroline] C'est à mon sens
[Caroline] on peut le présenter comme ça.
[Caroline] parce que tout le monde sait bien que lorsque l'on construit un système, lorsque l'on pense en architecture dès le départ, c'est là que se font les choix techniques et donc les choix politiques.
[Caroline] Et au moment de fonder ce projet, il était évident
[Caroline] qu'il fallait dès le départ
[Caroline] mettre en œuvre de l'ingénierie de commandes publiques.
[Caroline] qu'il fallait réfléchir de telle sorte qu'in fine, il n'y aurait pas que Microsoft qui puisse répondre à cet appel.
[Caroline] Ça a été le cas, c'est-à-dire que bien en tête ils ont avancé. Pour arriver à la fin, on se dit « ah bah oui, il n'y a que Microsoft qui peut héberger autant de données ».
[Caroline] Et on arrive donc à un moment de l'histoire où
[Caroline] Depuis notre cher Maximilien Schrems, on sait, grâce à lui, on a eu des décisions au plus haut niveau européens qui ont permis de faire reconnaître que l'Europe avait besoin de se protéger.
[Caroline] de cette forme d'ingérence américaine qui consistait
[Caroline] pouvoir venir accéder aux données sur le territoire européen pourvu que leurs compatriotes qui avaient des sociétés qui hébergeaient nos données leur ouvrent les portes.
[Caroline] On le sait, mais maintenant on le sent.
[Caroline] C'est-à-dire qu'il y a quelques années, avec le Privacy Shield, avec ce bouclier, ces accords qui étaient faits entre l'Europe et les États-Unis, où à chaque fois on disait
[Caroline] ça ira niveau protection des données on a passé des accords ça ira il ya des garanties appropriées qui font que nous n'avons rien à craindre nous pouvons continuer à héberger
[Caroline] sur des serveurs Amazon ou Microsoft en Europe. Il y a des garanties qui font que tout ira très bien. Aujourd'hui, on sent !
[Caroline] par rapport à cette
[Caroline] cette situation géopolitique qui est sidérante, qui est insensée. On sent que là, on est à un moment de l'histoire où ce n'est pas juste « ça pourrait arriver mais on prend des garanties appropriées ».
[Caroline] c'est plus méfiant de nous dégâts femmes.
[Caroline] Mettons nous aux abris en fait.
[Aeris] Et pas que les États-Unis, pour le coup, ça ne vaut quasiment tout le monde. Tout le monde peut retourner sa veste aussi vite que les États-Unis.
[Caroline] C'est ça, ça doit être une leçon en fait, et j'espère que c'est pour nous
[Caroline] Pour nous Européens, l'occasion enfin de saisir
[Caroline] la question de la souveraineté, mais pas seulement sous l'angle d'un espèce de protectionnisme un peu cracra où il faut refermer les frontières parce que bon quand même protégeons nos données puis protégeons nous surtout des autres.
[Caroline] Non, là la question de la souveraineté de nos données, c'est la question de la protection.
[Caroline] des citoyens européens.
[Caroline] dans leur intégrité et on en revient à la question de l'intégrité numérique.
[Caroline] Donc effectivement, je vais prendre l'exemple des collectivités territoriales.
[Caroline] Il y a beaucoup de petites villes, et moyennes d'ailleurs, qui pendant longtemps étaient démarchées par Microsoft évidemment ou par d'autres.
[Caroline] qui leur donnait clé en main un système en leur disant
[Caroline] légalement, c'est dans les clous.
[Caroline] techniquement vous n'aurez pas de problème, nous on gère. On externalise tout, on va gérer et vous avez un tarif.
[Caroline] ce sera du fonctionnement, on peut peut-être même le faire passer en investissement.
[Caroline] Et voilà, comme ça vous êtes tranquille. Vous n'avez pas besoin d'embaucher de développeur, vous n'avez pas besoin d'embaucher de technicien.
[Caroline] ou vous mettez un délégat à la protection des données, encore ça aussi on peut vous le faire et voilà.
[Caroline] Et donc on arrive dans une situation où les données publiques
[Caroline] énormément de données publiques.
[Caroline] sont hébergés par des éditeurs de logiciels privateurs.
[Caroline] américains notamment.
[Caroline] direction du numérique et la NCT ont fait un effort.
[Caroline] considérable en donnant les clés
[Caroline] au territoire en leur disant « waz C », une suite libre de logiciels que vous pouvez utiliser.
[Caroline] Demandez-nous, mettez-vous en rapport avec l'ANSI, mettez-vous en rapport avec ces associations d'élus qui vont porter des choses sur le terrain.
[Caroline] Moi je suis dans la commission numérique de France Urbaine qui est une grosse association. J'étais vice-présidente de Ville Internet et je suis présidente de L'Acet, une société pour une
[Caroline] pardon, une association pour les usages numériques citoyens. Donc il y a énormément d'associations qui essayent d'aider en fait les territoires à sortir.
[Caroline] de ce hold-up qui a été fait vraiment par des sociétés privées. Mais c'est très dur de redégager des budgets, vu ce qui est demandé aux villes en ce moment, de redégager des budgets pour créer une direction du numérique ou au moins un service informatique.
[Aeris] Et on a 20 ans de retard en plus sur les services aussi, puisque effectivement Microsoft et Amazon etc ont aussi une énorme forme de frappe, ils ont développé les logiciels, ils ont commencé à les développer il y a 20 ans. Bah nous on l'a pas fait.
[Caroline] Exactement. Voilà, on n'a pas fait. Et aujourd'hui, on a des solutions qui vont être
[Caroline] c'est un peu moins bien, c'est pas complètement intégré, mais c'est surtout que c'est accessible aux États-Unis quasiment en direct maintenant, donc on peut plus se permettre de tergiverser.
[Caroline] ceux qui ont fabriqué de la donnée publique, et oui ce sont en fait les collectivités territoriales et collectivités locales, il faut les aider à sortir de ça, parce que là la question de la souveraineté est vraiment critique.
[Benjamin] Il y a quand même quelques acteurs locaux qui essaient d'en sortir, je pense en particulier à la ville d'Échirolles.
[Benjamin] qui depuis plusieurs années déjà est très investi dans la souveraineté numérique en utilisant des solutions open source et je pense bien sûr à Nicolas Vivant.
[Benjamin] qui agit beaucoup en sens.
[Caroline] Oui, oui, oui, et vraiment, enfin, je dois dire que moi je travaille beaucoup avec… Donc moi je suis élue à Strasbourg, je travaille beaucoup avec Marseille, Lyon, Bordeaux, Nantes
[Caroline] on commence avec Nancy, on a Montpellier et on a en fait une sorte de petit club des élus au numérique et on essaye de mutualiser des solutions pour faire avancer nos collectivités sur ces questions. Nos infrales sont déjà en libre.
[Caroline] On a des solutions qui sont tout à fait convenables et par exemple à Strasbourg, on fait appel à quelques prestats sur des hébergements de sites, parce qu'on a de nombreux sites, mais les données personnelles des Strasbourgeois et des Strasbourgeoises
[Caroline] sont sur nos propres serveurs. Et je mettais en fait le doigt sur de nombreuses
[Caroline] plus petites villes que je connais qui se sentent pieds et poings liés parce qu'ils sont dans des contrats avec les éditeurs américains dont on parlait. Mais vraiment dans les grandes villes, et Chirole est un modèle évidemment, voilà, sur les questions bureautiques c'est un tout petit peu plus compliqué parce que, enfin vous savez
[Caroline] Très honnêtement, la suite Microsoft, c'est du crack. Enfin, on en a donné… Oui, oui, oui. C'est ça. Et puis on en a donné aux enfants à l'école pendant un bon moment. Déjà, cette drogue, donc c'est compliqué de faire lâcher les gens.
[Caroline] Maintenant on a quand même des produits libres qui sont
[Caroline] vraiment avec un usage très très confortable. Donc au fur et à mesure on y arrive.
[Caroline] Je trouve aussi, mais l'accompagnement au changement c'est une vraie question.
[Benjamin] Oui c'est le changement qui est douloureux, c'est pas le logiciel lib qui est douloureux, c'est le changement.
[Caroline] C'est ça. C'est pas l'outil. Pas du tout. Et d'ailleurs, Microsoft est très bon dans l'accompagnement au changement, puisque même eux, à chaque fois qu'ils changent de version
[Caroline] Ils ont des études très poussées pour savoir jusqu'où ils peuvent changer les choses, jusqu'où est-ce qu'on peut violenter les gens en changeant de couleur ou de place une icône, etc. Donc la question de l'accompagnement, le changement
[Caroline] C'est un vrai segment d'étude.
[Aeris] Mais comment ça se fait qu'on n'a pas eu au niveau politique une vraie prise de conscience, surtout on a quand même eu les beaux arrêts CHRM2, enfin CHRM1 et CHRM2 sur le sujet ?
[Aeris] D'arrière, même après Schremm 2, il y a eu la Commission Libé, le Parlement européen qui s'est beaucoup opposé, c'est le nouvel accord d'adéquation. Et comment ça se fait que à l'Europe, ou même au niveau national, la CNIL a été très peu réactive sur le sujet ? Il n'y a pas eu de prise de conscience en se disant « on ne fait pas un Schremm 3 ».
[Aeris] Et on change directement les… On se laisse potentiellement le temps. On ne demandait pas non plus un breaking change, tout rasé, et on repart sur du non-américain complètement.
[Aeris] Mais là j'ai l'impression qu'on a rien fait depuis 2020 et la Rachelle 2.
[Caroline] Moi je pense qu'il y a un double phénomène. Le premier, c'est le manque de culture informatique et le manque de culture numérique globale en France.
[Caroline] On n'a pas cette culture, cette éducation. Alors évidemment, là, je parle à des gens qui l'ont. Mais vraiment, rendons-nous compte de ce gap. Et vraiment, c'est assez terrible de voir que
[Caroline] les gens ne savent pas… Quand je dis les gens… Moi je travaille dans une collectivité où il y a presque 8000 agents, il y en a très peu qui s'intéressent à la question numérique et informatique. Et maintenant au passage de l'IA, d'un coup on a un espèce de vent chaud, un coup de sirocco qui arrive et tout le monde panique. Donc il y a déjà un manque de culture numérique.
[Caroline] et ce n'est pas dans les programmes et aujourd'hui les cours de sciences numériques dans les lycées S&T.
[Caroline] sciences numériques technologiques je crois, en fait il n'y a pas de moyens donc c'est les profs de maths ou les profs d'écout qui s'y collent et qui font des trucs quoi mais bon voilà donc on a un vrai problème de ce point de vue là. L'autre problème c'est il faut pas sous-estimer le lobbying qui a été celui de Microsoft.
[Caroline] Ce sont des gens qui investissent des milliards dans ce qu'on appelle publiquement les affaires gouvernementales pour influer les décisions au plus haut niveau.
[Caroline] Et franchement en France, des gens que j'ai rencontrés, que ce soit à la NCT, à la DINUM et même à l'Élysée, je peux vous dire que c'est des libristes convaincus.
[Caroline] Donc ce ne sont pas des gens qui ont laissé
[Caroline] les logiciels privateurs faire leur travail sans
[Caroline] sans s'y opposer mais
[Caroline] Il faut débloquer des budgets.
[Caroline] Il faut effectivement accompagner cette réticence au changement et dédiaboliser le libre. Il y a encore des gens qui imaginent quand on parle de logiciel libre que ça va être
[Caroline] un environnement Linux complètement différent qui vont être paralysés et
[Caroline] Je dois aussi reconnaître qu'il y a des services qui ne facilitent pas la vie des personnes lorsque vous êtes sur des outils libres. Enfin, ne serait-ce que certaines banques en ligne qui n'acceptent pas de VPN ?
[Aeris] C'est ce que j'allais dire.
[Aeris] Ou même sur les téléphones mobiles, hein. Les banques en ligne, y'en a plus beaucoup qui acceptent les livrisses.
[Caroline] C'est ça, voilà. Donc effectivement, il y a des choses comme ça qui facilitent pas la vie, et c'est des exemples qui seront toujours mis en avant par des partisans de l'externalisation et des logiciels privateurs qui vont vous dire
[Caroline] Les gens, ils ont autre chose à penser que… voilà. Moi, il faut pas être dogmatique. Alors déjà, quand on me dit ça, je me méfie parce que
[Benjamin] Ouais, le logiciel privateur souvent aussi c'est la facilité.
[Caroline] Oui, bien sûr !
[Benjamin] Enfin, où ça a l'air d'être la facilité. C'est pas forcément vrai d'ailleurs, mais
[Aeris] C'est surtout l'intégration plus que la facilité en fait, je dirais. Puisque Microsoft aujourd'hui ou Google, c'est du tout en un. C'est le vrai avantage en fait par rapport à des solutions libres.
[Aeris] qui ont tendance à être plus fragmentés, c'est que chaque petit morceau va être dans son coin, il n'y a pas d'écosystème global comme peuvent le faire Microsoft ou Google.
[Caroline] C'est exactement ça.
[Aeris] Et c'est surtout ça qui pose problème.
[Benjamin] Mais je pense que ce qui est important de voir aussi aujourd'hui c'est qu'on parlait de naïveté tout à l'heure, on parle souvent d'angélisme face aux logiciels libres et quand on parle souvent de la TOS, c'est bon pour les barbus qui passent leur temps devant un ordinateur, aujourd'hui c'est plus vraiment le cas et on a
[Caroline] Je me rase assez peu la barbe.
[Benjamin] Et on voit aujourd'hui qu'il y a plein plein d'endroits où des gens utilisent du libre et ça marche.
[Caroline] Oui, la gendarmerie l'a fait, il y a des tas de… mais évidemment que ça marche.
[Benjamin] ça marche et bientôt on va plus avoir le choix.
[Aeris] De toute façon c'est ça ce que j'allais dire. On arrive à un moment et il y a encore une autorité de contrôle norvégienne qui est encore avertie pas plus tard qu'avant-hier en disant bah commence à sortir tout de suite des Etats-Unis parce que ça
[Aeris] l'annulation des accords d'adéquation va tomber et vous n'aurez pas le choix. Et on est en train de parler de choses à 3 mois, 4 mois, 5 mois, pas beaucoup plus.
[Caroline] C'est ça, donc les gens qui vont réagir effectivement il y a un moment et qui vont basculer sans félicite, mais quand on parle des solutions qui fonctionnent et des exemples vertueux, qui en fait la publicité ?
[Caroline] En fait, oui, ça marche.
[Caroline] Mais qui s'est occupé de faire la publicité de la gendarmerie qui, depuis 15 ans, avait changé de paradigme ? Qui s'est occupé de mettre en avant la suite libre de l'État ? Même dans les collectivités, il y a plein de gens qui ne savent pas que ça existe, que les alternatives existent.
[Caroline] Les gens ne savent pas et personne ne s'occupe de faire la publicité de ça.
[Caroline] Donc le libre ne peut plus vivre simplement de sa communauté de passionnés, quand je dis simplement.
[Caroline] c'est pas bien de dire simplement parce que c'est un travail au quotidien et que c'est des gens qui mettent leur vie, mais il faut qu'on passe à une échelle supérieure. Et j'espère, pour être optimiste, que ce tournant-là vis-à-vis des États-Unis notamment va permettre
[Caroline] de vraiment de changer d'échelle.
[Aeris] HM3 j'espère que ça va faire prendre
[Aeris] conscience aux gens, ça peut être une énorme claque et un vrai coup de fouet pour tout ça, mais il va falloir se bouger.
[Caroline] Mais il faut aussi que
[Caroline] les médias s'y mettent et que voilà, que des médias nationaux prennent exemple sur les thèmes traités par RDP.
[Benjamin] Merci. Est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose ? Est-ce que vous avez un conseil à donner aux auditrices et aux auditeurs de RdGP ?
[Caroline] Mon conseil, oui, c'est de s'investir et c'est de mettre, si ce n'est pas déjà le cas
[Caroline] de prévoir en fait à toutes et tous dans nos vies.
[Caroline] du temps dédié.
[Caroline] à l'intérieur général.
[Caroline] et que ce soit par la création de podcasts, que ce soit par
[Caroline] des lectures qui permettent effectivement d'avoir de refaire
[Caroline] dans des discussions où tout ça semble perdre du terrain.
[Caroline] de passer peut-être plus de temps à parler avec ses proches, ses amis, sa famille.
[Caroline] de sujets qui en valent la peine comme ceux qu'on a abordé là, de partager en fait ses connaissances et ses convictions.
[Caroline] et de ne jamais se laisser arrêter par des phrases du type naïf, angélique ou bien encore « ah quelle horreur, un militant, une militante quoi ».
[Caroline] Il faut l'être parce qu'on est dans une période où
[Caroline] Le politique n'est pas sale. Je m'en arrêterai là.
[Benjamin] Merci beaucoup Caroline Zorn.
[Aeris] Merci à vous.
[Benjamin] Vous avez écouté RdGP, le podcast sérieux qui vous emmène au cœur des enjeux des droits numériques, des libertés individuelles et de la vie privée.
[Benjamin] N'oubliez pas que vous pouvez interagir avec ce podcast sur le fait divers. RdGP est hébergé par Castopod, solution libre open source et gratuite d'hébergement de podcasts.